• Afin de découvrir les anomalies à l’origine de troubles de l’apprentissage, comme la dyslexie, Ghislaine Dehaene, pédiatre et directrice de recherche au CNRS, étudie les mécanismes d’apprentissage normaux du langage et de la lecture.

  • Elle s’intéresse pour cela au développement du cerveau chez le nourrisson et l’enfant.

  • À Neurospin, le Centre de neuro-imagerie de Saclay (91), elle observe par imagerie le fonctionnement de leur cerveau, depuis la naissance jusqu’à l’âge de l’école primaire. Explications sur ses découvertes récentes.

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La Fondation pour la Recherche Médicale a sélectionné les projets de Ghislaine Dehaene à 2 reprises, en 2010 et 2012, et a attribué ce financement à son équipe.

Qu’ont révélé vos études sur le fonctionnement du cerveau et le langage chez le nourrisson ?

Nous avons publié une étude sur des grands prématurés qui montre que le réseau du langage est organisé très tôt, avec une circulation de l’information très semblable à celle du jeune enfant ou de l’adulte. Même si à cet âge (6 mois de grossesse) le cerveau est encore en train de se former, il y a un « patron », avec des régions prédestinées à certaines fonctions et déjà connectées. Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, l’organisation en grands domaines cognitifs (langage, mémoire, vision, etc.) existe dès le départ. L’apprentissage permet ensuite de faire évoluer le cerveau, d’établir les connexions, de les améliorer, pour accélérer les transferts d’information.
Qu’avez-vous découvert sur l’apprentissage de la lecture ?

Qu’avez-vous découvert sur l’apprentissage de la lecture ?

Les régions visuelles se transforment pour traiter cette nouvelle information que sont les mots écrits.

Chez les enfants scolarisés que nous avons étudiés, après 6 mois d’apprentissage de la lecture, une région visuelle très particulière se spécialise à gauche pour les mots de la langue.

Cette « région de la forme visuelle des mots » fait le lien  entre le système du langage oral et la région visuelle, des systèmes « innés » déjà présents chez le nourrisson.

Nous avons aussi observé qu’apprendre à lire affine la perception de la parole. Dans le bruit, par exemple, les personnes qui savent lire s’aident de régions cérébrales supplémentaires, comme la région visuelle des mots, pour mieux comprendre la parole.

L’apprentissage de la lecture renforce donc le système du langage oral.

Que se passe-t-il chez les enfants dyslexiques ?

En imagerie cérébrale nous avons montré que l’activation de la région de la forme visuelle des mots est plus faible chez l’enfant dyslexique que chez l’enfant qui lit normalement. En revanche, nous sommes encore incapables de dire si c’est une cause ou une conséquence du non-apprentissage de la lecture. Une étude finlandaise a montré que les enfants dyslexiques avaient déjà là la naissance des difficultés à discriminer des sons proches.

Nous recherchons actuellement comment affiner nos images expérimentales pour mieux comprendre les mécanismes qui mènent à la dyslexie. Nous avons donc encore beaucoup de chemin à faire ! D’autant qu’il existe des variations individuelles. Une moindre activation de la région identifiée ne signifie pas nécessairement une dyslexie. Il peut y avoir notamment des phénomènes de compensation que nous ne détectons pas en imagerie.

Notre but, bien sûr, est de comprendre ce qu’il se passe dans le cerveau de ces enfants pour pouvoir leur proposer des stratégies adaptées pour contourner leurs difficultés. Le cerveau est un fantastique organe d’apprentissage. Si nous comprenons exactement où est le problème et quelles sont les ressources de l’enfant, nous pourrons lui faire acquérir de nouvelles stratégies d’apprentissage.
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