#virus-emergent

Qu’est-ce qu’un virus émergent?

Comme le montre la pandémie actuelle de Covid-19, les virus émergents constituent des menaces constantes. L’humanité a souvent été confrontée à l’apparition de virus capables de se transmettre rapidement et à l’origine de nombreux décès.

On qualifie d’« émergent » un virus qui apparaît nouvellement au sein d’un hôte, c’est-à-dire qu’il était jusqu’à présent inconnu à l’intérieur de l’organisme qu’il infecte. Ces virus sont particulièrement suivis par la communauté médicale car ils peuvent être à l’origine de maladies encore inconnues, donc parfois difficiles à enrayer.

#reussites-recherche-medicale

De premières réussites de la recherche contre ces virus

La recherche médicale est parvenue à obtenir de grandes avancées qui ont permis de faire reculer plusieurs épidémies de grande ampleur. Deux armes ont ainsi fait leurs preuves dans l’histoire : la vaccination et les thérapeutiques antivirales.

L’essor de la vaccination

Tout d’abord, la vaccination a permis dans les années 1980 de faire complètement disparaitre la variole de la surface du globe. Cette pathologie a été responsable de près de 300 millions de morts au cours du XXe siècle. La variole est un emblème dans l’histoire de la médecine. Son étude a permis la mise au point d’un procédé qui a précédé la vaccination : la « variolisation ». En 1796, un médecin britannique, Edward Jenner, s’aperçoit que les paysans au contact des bovins pouvaient contracter une pathologie proche de la variole, la « vaccine », ce qui les protégeait par la suite de la variole humaine. La vaccine provoque des pustules sur la peau des personnes l’ayant contractée. Le médecin a alors l’idée d’en prélever le contenu, puis de l’inoculer à des personnes indemnes. C’est le début du concept d’immunisation. Ce procédé sera bien sûr amélioré par la suite pour aboutir aux vaccinations modernes.

Deuxième maladie redoutable freinée par la vaccination : la poliomyélite. Cette maladie est liée à un virus ayant la capacité de s’attaquer au système nerveux. Elle touche principalement les enfants de moins de 5 ans selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dans ses formes sévères, l’infection provoque une paralysie qui peut persister tout au long de la vie, voire provoquer la mort. Le vaccin contre la pathologie est né dans les années 1950. A l’heure où ce texte est rédigé, on considère la poliomyélite comme éradiquée du continent africain. Mais la maladie continue de sévir dans certains pays comme le Pakistan.

La mise au point de thérapies antivirales

Des grandes avancées ont également été obtenues dans les thérapies et la prise en charge de certains virus récemment apparus. Le meilleur exemple est l’avènement des trithérapies utilisées dans la prise en charge du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), pathogène à l’origine du sida. Ces traitements, pris à vie, font diminuer la quantité de virus dans l’organisme des patients, ce qui permet de garder « sous contrôle » l’infection et de prévenir sa transmission. Cependant, l’épidémie continue : d’après l’OMS, 38 millions de personnes vivaient avec le sida en 2019.

Lire notre dossier consacré au Sida >

Malgré ces avancées marquantes et les réussites indéniables de la recherche, il reste du chemin à parcourir pour que non seulement les pathologies émergentes actuelles soient prises en charge, mais également pour faire face aux futures pathologies.

Quels sont les virus émergents particulièrement menaçants ?

Les virus dont le suivi est prioritaire selon l’OMS

L’OMS a établi la liste des virus émergents et des maladies associées qui nécessitent une vigilance particulière. L’organisme précise que cette liste n’est pas exhaustive et peut bien sûr évoluer si de nouveaux virus apparaissent.

#variole-du-singe

La variole du singe

La variole du singe est une zoonose, une maladie infectieuse ayant une origine animale. Elle est causée par le « virus de la variole du singe » ou « Monkeypox », appartenant aux orthopoxvirus. On en connait deux clades (groupes descendant d’ancêtres communs) : l’un dit « de l’Afrique de l’Ouest » et l’autre de « l’Afrique centrale ».

Lire notre article consacré à la variole du singe >

#coronavirus

Covid19 et les coronavirus de type SARS-CoV

Les coronavirus sont très répandus, et sont en général responsables de simples rhumes et de syndromes grippaux bénins. Mais certains acquièrent des propriétés qui les rendent agressifs et hautement transmissibles. C’est le cas du SARS-CoV qui peut conduire au développement d’un syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) potentiellement mortel. Une première épidémie mettant en jeu ce virus a été à l’origine, selon l’Inserm, de 774 décès entre novembre 2002 et juillet 2003, dans 30 pays.

Le SARS-CoV-2, à l’origine de la pandémie actuelle de Covid-19 est un parent proche du virus SARS-CoV. Bien qu’appartenant à la même famille, SARS-CoV-2 et SARS-CoV sont des virus différents.

Lire notre dossier consacré à la Covid-19 >

Tous les coronavirus sont aujourd’hui inscrits dans la liste des virus émergents à suivre de l’OMS.

Bruno Canard est spécialiste des coronavirus. Il est directeur de recherche CNRS et responsable de l’équipe « Réplicases virales : structure, mécanisme et drug-design », dans le laboratoire « Architecture et fonction des macromolécules biologiques » de Marseille.
Il revient sur son entrée dans le monde des coronavirus, partage avec nous les découvertes réalisées sur le coronavirus grâce au soutien de la FRM et ses recherches en cours sur la Covid-19. Un travail acharné, sur du long terme, pour se préparer aux épidémies à venir.

#Zika

Virus Zika

Le virus Zika est apparu en Afrique en 1947. C’est un arbovirus : son principal vecteur est le moustique, mais il peut également être contracté suite à un rapport sexuel ou transmis de la mère à l’enfant durant la grossesse. La maladie qu’il provoque est très souvent sans symptômes (70 à 80% des cas selon l’Institut Pasteur) ce qui rend sa détection parfois difficile. Chez les personnes symptomatiques, on rencontre le plus souvent un syndrome grippal, accompagné d’autres manifestations. Selon Santé Publique France, lors de l’épidémie qui a sévi en 2016, 80 000 personnes ont consulté aux Antilles et en Guyane pour ce motif. La France métropolitaine pourrait aussi être touchée : toujours selon le même organisme, en 2019, une transmission probablement liée à un moustique tigre a été identifiée au travers d’un foyer de 2 cas dans le Var.

#fievre-Congo-Crimee

Fièvre hémorragique Congo-Crimée

Cette pathologie grave découle le plus souvent d’une piqure de tique ayant contracté le virus auprès d’un animal domestiqué. La maladie se traduit d’abord par des symptômes assez généraux comme une fièvre, des douleurs musculaires, des nausées… La pathologie peut ensuite provoquer des lésions organiques au niveau du foie, du rein… Elle est létale dans 10 à 40% des cas selon l’OMS. Toujours selon le même organisme, la maladie est endémique dans plusieurs régions du globe comme l’Afrique, les Balkans, au Moyen Orient ou encore en Asie.

#Ebola-Marbourg

Virus Ebola et virus Marbourg

Le virus Ebola est à l’origine d’une maladie grave qui se traduit d’abord par de la fièvre, des maux de gorge, une fatigue… et en phase tardive par des diarrhées, des vomissements et des hémorragies. Souvent d’issue fatale, Ebola aurait, selon l’Inserm, touché 28 400 personnes lors d’une épidémie qui a touché l’Afrique de l’Ouest ayant eu lieu entre 2013 et 2016, et a été à l’origine de 11 300 décès. Il existe un vaccin contre la pathologie qui présente une efficacité estimée entre 65% et 100% en prévention de la maladie selon la HAS. Il est utilisé chez les personnes susceptibles d’avoir été exposées au virus.

Le virus Marbourg est un virus de la même famille que le virus Ebola. Il provoque des symptômes similaires, avec des risques létaux variables selon les types (le taux de létalité est en moyenne de 50% selon l’OMS). Toujours d’après l’OMS, une épidémie liée à ce virus en République démocratique du Congo a été à l’origine de 128 décès entre 1998 et 2000. Une autre en Angola a été à l’origine de 329 décès en 2005.

#Nipah

Virus Nipah

Le virus Nipah a fait son apparition en 1999 en Malaisie dans les élevages porcins. La personne infectée peut développer des symptômes variables, allant de formes complètement asymptomatiques à des atteintes sévères des voies respiratoires pouvant conduire à des encéphalites mortelles. L’OMS estime que le virus est létal dans 40 à 75% des cas. Principalement actif en Asie, moins de 20 cas par an sont recensés dans le monde selon le site Orphanet.

#fievre-Vallee-du-Rift

Fièvre de la Vallée du Rift

Cette maladie est liée à un virus de type Phlebovirus. Il a été identifié pour la première fois en 1931 au Kenya, selon l’OMS. Sa transmission se fait via des animaux contaminés, ou encore via des piqures de moustique. Ses symptômes sont assez généraux, la plupart des cas étant bénins. Les formes sévères, rares, peuvent toucher les yeux, le cerveau ou encore provoquer des fièvres hémorragiques.

#grippe

Autres virus émergents suivis par les chercheurs

Virus de la grippe

Il n’y a pas une grippe, mais des grippes, chacune provoquée par des virus différents plus ou moins pathogènes ou contagieux. L’un des plus connus, le virus de la grippe espagnole (H1N1) a, selon l’Inserm, fait des dizaines de millions de morts en 1918. Les grippes dites « asiatiques » et de « Hong-Kong » ont également fait de nombreuses victimes par le passé. Les formes animales de cette maladie sont particulièrement suivies, à l’instar de celles touchant les oiseaux (« grippe aviaire »).

Lire notre dossier consacré à la grippe >

#Lassa

Virus Lassa

Le virus Lassa a été identifié en 1969 d’après l’OMS. A l’instar du virus Ebola, cet agent infectieux est aussi responsable d’une fièvre dite « hémorragique », la fièvre de Lassa. Dans la grande majorité des cas, la maladie passe inaperçue. Lorsqu’ils se déclarent, ses symptômes sont très divers, allant de la fièvre à des douleurs diffuses, en passant par des troubles digestifs, une toux… Dans ses formes les plus sévères, le virus peut entrainer des hémorragies, un coma, une surdité… L’OMS estime que la pathologie est mortelle dans 1% des cas. Selon l’Institut Pasteur, le virus est endémique dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest : il y toucherait 100 000 à 300 000 personnes par an et provoquerait 5 000 à 6 000 décès.

#Chikungunya

Virus du Chikungunya

Décrit pour la première fois en 1952, le virus Chikungunya est à l’origine d’une maladie caractérisée principalement par une fièvre élevée et de très fortes douleurs articulaires invalidantes. Elle est transmise par le moustique. Si la maladie n’est pas létale, elle peut parfois générer des douleurs sur une très longue période. Des formes plus graves peuvent néanmoins être retrouvées chez les personnes fragiles (âgées, immunodéprimées, nouveaux nés issus de mère malades durant l’accouchement…). Selon Santé Publique France, il y a eu 3 épisodes de transmission de la maladie en France métropolitaine, à l’origine de 2 à 17 cas.

#Dengue

Virus de la Dengue

Le virus de la dengue est transmis à l’homme par le moustique. Il circule dans toutes les zones tropicales ou subtropicales de la planète selon l’OMS. Souvent bégnine, la dengue entraine une forte fièvre, ainsi que des symptômes variés tels que des maux de tête, des douleurs, des vomissements… Malgré tout, il existe tout de même des formes sévères de la maladie : l’Inserm estime ainsi que la maladie est responsable de 25 000 décès par an, dont une forte proportion d’enfants.

#risque-hausse-nombre-virus

Pourquoi le nombre de virus émergents risque d’augmenter à l’avenir ?

Aujourd’hui, on considère que plusieurs facteurs inhérents aux modes de vie modernes favorisent l’émergence de nouveaux virus et la propagation de virus existants.

Les modifications de l’environnement

La majorité des maladies infectieuses émergentes ces dernières années proviennent d’un contact étroit avec les animaux : on appelle ces pathologies des « zoonoses ». Les virus animaux peuvent ainsi, à la suite de mutations génétiques acquérir des caractéristiques leur permettant d’infecter les humains : ils « franchissent la barrière des espèces ».

Certaines activités comme la déforestation afin de libérer des espaces agricoles modifient les habitats des animaux, qui se trouvent alors davantage au contact des humains. Le risque de transmission d’un virus de l’animal à l’homme est ainsi accru.

Les changements climatiques et l’activité humaine

Les modifications climatiques comme les hausses de températures ou les variations d’humidité participent, avec l’activité humaine, aux changements dans la répartition géographique de certaines espèces. C’est par exemple le cas du moustique « tigre » qui était absent de certaines régions de l’Afrique. Il est parvenu à en coloniser et à se propager, avec le risque de transmettre les virus dont il est potentiellement porteur.

La hausse de la densité de la population mondiale

On assiste aujourd’hui à une augmentation de la densité des populations autour du globe ce qui, ici également favorise la transmission d’un agent pathogène entre les habitants. Dans les pays à faible revenus, la concentration de personnes aux abords des grandes villes associée à de mauvaises conditions d’hygiène, peut également augmenter le risque d’émergence d’une pathologie.

L’amélioration des moyens de transport et la hausse des flux de personnes

L’ouverture au plus grand nombre des moyens modernes de transport comme l’avion dans le cadre de la mondialisation favorise une propagation plus rapide des agents pathogènes. Cela constitue un véritable accélérateur en cas d’épidémie.

#enjeux-recherche-medicale

Quels sont les enjeux de la recherche sur les virus émergents ?


La recherche sur les virus émergents est aujourd’hui très active. Elle vise plusieurs objectifs :

  • Effectuer des recherches sur le terrain pour repérer des réservoirs animaux abritant des virus avec un potentiel pathogène pour l’homme. Des chercheurs s’intéressent notamment à certaines espèces de chauve-souris, animal porteur de nombreux virus qui pourraient être transmis à l’homme sous certaines conditions.
  • Lutter contre les animaux vecteurs de virus pathogènes. Pour exemple, de vastes campagnes visant à rendre stériles les moustiques par génie génétique ont été entreprises dans les pays où les insectes peuvent transporter des virus ; ces campagnes ont une efficacité variable.
  • Mettre au point des méthodes de diagnostic en vue de dépister rapidement les maladies et ainsi limiter une épidémie. Ainsi, la mise au point de tests « rapides » pour vite prendre en charge les malades peut constituer une aide précieuse pour contenir une épidémie.
  • Développer des traitements qui visent à réduire les capacités d’infection des virus ou encore à diminuer leur multiplication dans les cellules en vue de pouvoir mieux prendre en charge les infections.
  • Elaborer des vaccins qui permettent de contenir une éventuelle épidémie en réduisant la transmission entre les individus et de réduire l’intensité des symptômes chez les malades.

Autant de pistes pour combattre les épidémies en cours ou à venir !

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