Mis à jour le 10 mars 2021

Covid-19 : 6 mois après l’infection, la réponse immunitaire B mémoire persiste et mâture !

  • L’infection par le Sars-CoV-2 procure-t-elle une protection contre une réinfection ultérieure ? Cette question est centrale dans la gestion de la pandémie, pour l’immunité collective comme pour les politiques de vaccination.

  • Des chercheurs ont obtenu des premiers éléments de réponse au travers de l’étude MEMO-CoV-2 : ils ont démontré l’existence d’une maturation et d’une persistance de la mémoire immunitaire B contre le virus au cours du temps.

  • L’un des principaux chercheurs de l’étude, le Pr Matthieu Mahévas, du service de Médecine interne de l’Hôpital Henri-Mondor, de l’université Paris-Est-Créteil, et l’institut Necker Enfants-Malades revient avec nous sur ses résultats.

Cette avancée a été obtenue dans le cadre de l’étude MEMO-CoV-2 dont le porteur principal est le Pr Simon Fillatreau, Responsable de l’équipe « Immunité normale et pathologique » en collaboration avec le Dr Claude-Agnès Reynaud et le Pr Jean-Claude Weill à l’Institut Necker - Enfants Malades, Paris.

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169 560 €

Financement accordé en 2020 au Pr Simon Fillatreau, Responsable de l’équipe « Immunité normale et pathologique » à l’Institut Necker - Enfants Malades, Paris, pour le projet MEMO-CoV-2.

Votre projet et ses résultats concernent la « mémoire immunitaire » : de quoi s’agit-il ?
Pr Matthieu Mahévas : « Pour faire face à une agression, deux grandes lignes de défense sont mises en place par le système immunitaire. La première est « l’immunité innée ». Il s’agit d’un ensemble de cellules, de protéines, qui sont fabriquées et mobilisées par le système immunitaire pour combattre directement l’agent infectieux, et ce de manière non spécifique.
Une deuxième ligne de défense spécifique du pathogène se met en route de manière décalée, l’immunité dite « adaptative ».  C’est une des caractéristiques magnifiques du système immunitaire : sa capacité à s’adapter au pathogène.
L’immunité adaptative va ensuite servir à se remémorer que l’on a été infecté par le pathogène : cela constitue la « mémoire immunitaire ». Cette mémoire est fondamentale, car elle nous protège en permanence contre des pathogènes que l’on a déjà rencontrés ou qui ressemblent à des agents infectieux déjà vus. 
»

Pourriez-vous nous décrire les objectifs de votre projet ?
M.M. : « Tout d’abord, je tiens à souligner que ce projet a été réalisé en collaboration avec plusieurs autres équipes de recherches : tous les chercheurs ont travaillé ensemble pour un but commun1.
Dès le début de la pandémie, une question s’est posée : est-t-on protégé à long terme contre le Sars-CoV-2, le virus à l’origine de la Covid-19, à la suite d’une première infection ? Cela revient à savoir combien de temps l’organisme va garder cette infection en mémoire.
Nous nous sommes ainsi intéressés aux cellules chargées de cette mémoire, les «
 cellules lymphocytaires B ». Quand elles sont différenciées, elles sont capables de produire des anticorps, des molécules qui ciblent le pathogène pour le neutraliser.
Outre cet aspect, des cellules lymphocytaires
 B indifférenciées persistent dans l’organisme. Elles constituent une mémoire de l’infection passée. Elles ont d’une part la capacité de se réactiver lorsqu’elles rencontrent à nouveau un pathogène et de se différencier en cellules capables de sécréter des anticorps spécifiques, d’autre part la possibilité de maturer pour être plus efficaces lors d’une prochaine infection.
Nous avons ainsi souhaité étudier la persistance et la maturation de cette mémoire immunitaire des cellules
 B contre le Sars-CoV-2.

Comment avez-vous procédé pour étudier les propriétés de cette réponse immunitaire ?
M.M. : « Nous avons mis en place deux cohortes de patients atteints d’une forme modérée ou sévère de la Covid-19. Le suivi consistait en la réalisation de prélèvements sanguins à différents moments : au début de la maladie, plus précisément 2 à 6 semaines après le diagnostic, puis à 3 mois et enfin à 6 mois. »

Quels résultats avez-vous obtenu ?
M.M. : « Nous nous sommes donc intéressés aux cellules lymphocytaires B mémoire spécifiques du Sars-CoV-2. Ces cellules réagissent à une protéine du virus, la protéine Spike, qui est fondamentale pour l’infection : en effet, la protéine Spike interagit avec une molécule située à la surface de la cellule, et permet aux virus d’entrer dans cette cellule. Les cellules immunitaires B produisent des anticorps qui ciblent la protéine Spike.
Nous avons d’abord regardé leur évolution, et nous avons observé qu’une fois générées, elles se maintenaient au cours du temps. Leur nombre augmentait même pour certains patients. La mémoire immunitaire face au Sars-CoV-2 semble donc pérenne.
Ensuite, nous avons étudié les mécanismes moléculaires à l’origine de la mémoire immunitaire à long terme : la «
 maturation » de la mémoire immunitaire. A cette fin, nous nous sommes penchés sur les gènes qui permettent de fabriquer les anticorps, les gènes d’ « immunoglobulines ». Au cours du temps, il se produit un phénomène de mutation de ces gènes qui permet au système immunitaire de sélectionner les anticorps les plus performants face à un pathogène donné. Nous avons observé que ce phénomène avait lieu après l’infection. Le système immunitaire s’améliore donc pour faire face au Sars-CoV-2.
Ainsi, nous avons pu montrer que la mémoire immunitaire contre le Sars-CoV-2 perdurait dans le temps, au moins 6 mois, et maturait : c’est une bonne nouvelle, tant pour l’immunité collective que pour les stratégies vaccinales.
»

Pensez-vous que cette immunité perdure au-delà de 6 mois ?
M.M. : « Les données obtenues par notre équipe se sont arrêtées à 6 mois, mais nous poursuivons nos analyses sur 1 an. Plusieurs équipes ont regardé jusqu’à 8 mois sur des effectifs faibles de patients, et ont observé que la mémoire immunitaire persiste. La question est de savoir si cela ira au-delà d’un an… Pour le moment, on ne le sait pas, il faut être prudent. »

Vos travaux donnent-ils des éléments sur la protection développée contre de futurs variants ?
M.M. : « Des éléments de réponse découlent de notre étude, sans démonstration directe. Les cellules mémoire possèdent une diversité liée à leur maturation. Lorsque l’on s’intéresse à l’immunité face aux variants, on ne regarde que les anticorps produits contre les pathogènes, pas à cette « dynamique » du système immunitaire. Et, si on a une vision un peu évolutionniste, on peut se dire que les cellules mémoires permettent de s’adapter à la variation des virus.
Cela laisse penser que cette mémoire immunitaire des cellules B peut nous aider à lutter contre les futures évolutions du Sars-CoV-2.
»



Pour aller plus loin : Aurélien Sokal and Pascal Chappert et al. Maturation and persistence of the anti-SARS-CoV-2 memory B cell response. Cell 2021. DOI:https://doi.org/10.1016/j.cell.2021.01.050.


#1

[1] Regroupant notamment les équipes du Pr Simon Fillatreau, du Pr Jean-Claude Weill et du Dr Claude-Agnès Reynaud de l’Institut Necker-Enfants Malades, du Pr Félix Rey à l’Institut Pasteur, du Pr Jean-Michel Pawlotsky de l’Institut Mondor de Recherche Biomédicale.

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