#definition

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle ?

La recherche médicale vit une révolution numérique liée à l'abondance de données et à notre aptitude à les collecter, à les stocker et surtout à les traiter. Ces possibilités sont liées aux capacités des ordinateurs qui sont aujourd’hui quasi illimitées : ils peuvent analyser des milliards d’informations à une vitesse considérable et comparer une multitude de paramètres, alors que le cerveau humain ne gère guère plus de 6 ou 7 variables en même temps. Associé à l’expertise des médecins, le développement de l’intelligence artificielle (IA) est donc très prometteur en santé.

Mais qu’est-ce que l’IA ? Ce domaine s’appuie sur deux éléments importants : les algorithmes et les données massives.

Les algorithmes

Les algorithmes sont une suite d’opérations et/ou de règles formelles effectuées par un programme informatique pour résoudre un type de problème donné. Plus concrètement, ces programmes informatiques imitent des modes de raisonnement faisant appel à l’intelligence.

Il y a les programmes d’IA où les tâches à effectuer ont été prédéfinies par l‘humain. Il s’agit par exemple d’un programme sachant jouer aux échecs car on lui a fourni les règles du jeu et la puissance de calcul nécessaire pour anticiper les conséquences de ses choix.

Il existe aussi des programmes d’IA avec apprentissage, où le système apprend par lui-même, pour peu qu’on lui fournisse les bons exercices et surtout les bons corrigés. Par exemple, si on fournit au programme une multitude de photos d’objets et leurs identifications associées, il pourra par la suite distinguer une voiture d’un avion sur n’importe quelle nouvelle photo. Certains programmes, si on leur fournit suffisamment de données, sont même capables de découvrir des rapprochements par eux-mêmes, sans aucune indication préalable. On parle alors d’apprentissage profond ou deep learning.

Les données massives, ou big data

Autre élément indispensable à l’IA : les données massives, ou big data. Dans le domaine de la santé, les données numériques se multiplient : dossiers de l’Assurance maladie, fichiers des causes de décès ou du système national des données de santé, dossiers médicaux de patients (résultats d’examens et d’imagerie, comptes rendus chirurgicaux, protocoles thérapeutiques...), etc. À quoi s’ajoutent encore les données issues de programmes de recherche.

Il existe donc beaucoup d’enjeux autour de toutes ces informations pour permettre leur utilisation optimale par l’IA. Il s’agit notamment de s’assurer de leur précision, de leur représentativité de la vie réelle, mais aussi de la qualité de leur organisation et de leur partage (ce qui nécessite un juste équilibre entre confidentialité des données et accès à ces données).

#applications

Exemples d’applications de l’intelligence artificielle en santé

En cancérologie

Structurer les données issues des patients

Le projet ConSoRe (pour Continuum Soins – Recherches), mis en place par Unicancer, le réseau des centres de lutte contre le cancer, a pour objectif d’organiser les données massives recueillies dans le domaine de la cancérologie. Il s’agit d’un système qui vise à collecter, analyser et structurer ces données. Associé à un moteur de recherche, il permet à des médecins d’identifier des patients répondant à des critères de recherche précis, de visualiser l’évolution de leur maladie et de leurs traitements, de localiser des dossiers de cancers rares, ou encore de savoir si des cas similaires ont déjà été traités ailleurs. Ces données pourront ensuite être traitées par différents algorithmes.

Faciliter le diagnostic

C’est probablement dans le domaine du diagnostic que l’IA va d’abord bouleverser la cancérologie. Plusieurs équipes de recherche dans le monde ont déjà prouvé que des programmes sont capables de détecter un mélanome, une forme sévère de cancer de la peau, ou un cancer de sein avec plus d’acuité qu’un médecin, même lorsqu’il s’agit d’une tumeur atypique.

Autre exemple : dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025, des projets de recherche en bioinformatique (informatique appliquée à la biologie) essaient de trouver des corrélations entre les données issues de l’analyse du génome et les expressions cliniques des cancers. Ils espèrent ainsi pouvoir faire des diagnostics génétiques de certains cancers, ce qui pourrait permettre de personnaliser le traitement et également d’ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques.

Guider la prise en charge thérapeutique

Une équipe du Centre de recherche des Cordeliers à Paris a développé un algorithme qui détermine à l’avance les patients atteints d’un cancer du rectum qui répondront complètement à la radiochimiothérapie, ce qui permet de leur éviter une opération inutile.

Dans le cadre du projet européen Desiree (Decision Support and Information Management System for Breast Cancer), auquel ont participé l’AP-HP et le laboratoire LIMICS, un programme d’aide à la décision thérapeutique pour la prise en charge de femmes atteintes d’un cancer du sein a été mis au point, sur la base des recommandations de bonnes pratiques mais aussi de l’expérience de toutes les décisions prises lors de réunions de concertation pluridisciplinaires.

Aide à la prédiction dans le domaine cardiovasculaire et de la transplantation

Autre domaine dans lequel l’IA prend son essor : la santé cardiovasculaire. Une équipe de l’University College of London développe par exemple un algorithme pour prédire le risque de décès après un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral à partir de l’analyse des données d’imagerie par résonnance magnétique du cœur. En France, le Samu travaille à l’adaptation francophone d’un programme danois d’IA capable d’aider les opérateurs du 15 à détecter un arrêt cardiaque grâce à l’analyse, en temps réel, de signaux verbaux (mots-clés) et non verbaux (intonation de la voix, rythme de la respiration, etc.).

Dans le domaine de la transplantation, une étude internationale coordonnée par une équipe française a validé un algorithme universel de prédiction du risque de perte de rein greffé chez un patient transplanté. Une avancée pour améliorer le suivi des patients et optimiser le développement de nouveaux traitements immunosuppresseurs.

Appui au diagnostic en gynécologie-obstétrique

L’analyse des données d’imagerie médicale fait partie des champs les plus explorés par l’IA. Le projet européen SUOG (Smart Ultrasound in Obstetrics and Gynecology), porté notamment en France par des équipes de Sorbonne-Université, l’Inserm et l’AP-HP, vise à utiliser l’IA pour améliorer le suivi de grossesse : intégré à l’appareil d’échographie, ce programme pourra suggérer en temps réel au praticien les images qu’il doit réaliser pour poser un diagnostic en cas de pathologie suspectée, afin d’optimiser une éventuelle prise en charge.

La prévention en santé mentale

Il existe aussi des programmes de recherche en santé mentale, et notamment dans le champ de la prévention. Le projet PsyCARE (Intervention précoce dans la psychose : vers une psychiatrie préventive et personnalisée) porté par Marie-Odile Krebs, clinicienne et chercheuse à l’Université de Paris, vise notamment au développement d’une IA permettant de détecter précocement une schizophrénie ou une psychose chronique afin de mettre en place une prise en charge psychiatrique préventive et personnalisée. Pour identifier les personnes à risque, l’IA interviendra notamment via la modélisation des connaissances autour de la schizophrénie et l’identification d’un ensemble de biomarqueurs utilisés via un algorithme d’apprentissage.

#outil

L’intelligence artificielle : un outil qui reste à maîtriser

On l’aura compris, l’objectif des chercheurs qui travaillent sur des projets d’IA n’est pas de remplacer les médecins, mais de les aider à mieux diagnostiquer, mieux soigner et mieux anticiper les risques.

Comme l’explique Jean Charlet, chercheur au Laboratoire d'informatique médicale et ingénierie des connaissances pour la e-santé à Paris, « Il existe aujourd’hui de nombreuses preuves de concept que l’IA peut être utile en santé. Mais comme tout nouvel outil, elle va modifier la façon dont le travail est organisé. Or plus un outil est sophistiqué, plus il modifie en profondeur l’organisation préalable. »

Nul doute donc que l’IA va s’implanter très progressivement dans le domaine de la santé, avec des conséquences sur la relation patient/médecin et l’émergence de nouveaux enjeux éthiques.

#ethique

Les questions éthiques soulevée par l’intelligence artificielle

Si l’on délègue à des machines des décisions habituellement prises par des médecins, ces derniers ne vont-ils pas perdre leurs compétences ? À cette question, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a répondu en novembre 2018 : « Une place trop grande accordée à ces systèmes risquerait de déshumaniser la médecine. La relation entre personnel soignant et patient reste primordiale. L’homme “doit garder la main“, le contrôle, la décision finale. » Un avis partagé par le Conseil de l’Europe et l’Académie de médecine américaine dans des rapports publiés en 2020.

Autres questionnements éthiques soulevés par le CCNE : « Comment s’assurer, en face de systèmes aussi complexes, que le patient donne un consentement éclairé à leur usage ? Qui est responsable en cas d’erreur ou de dérèglement de la machine ? La gestion des données massivement collectées par ces systèmes inquiète : que deviennent-elles et que reste-t-il du secret médical ? » Face à ces questions, sur lesquelles travaillent déjà de nombreux experts, les sages du CCNE insistent surtout sur le fait que « le risque principal serait de ne pas avoir suffisamment recours à l’IA, explique David Gruson, co-directeur du groupe de travail du CCNE. Nous avons beaucoup de données de santé en France, il ne faudrait pas les sous-exploiter. »

Enfin, la formation des médecins et soignants à ces outils ainsi que l’information des patients restent des sujets capitaux au cœur du développement de l’IA médicale.

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