L’Institut national du cancer (INCa) dénombre 433 136 nouveaux cas de cancers en 2023 en France : c’est deux fois plus qu’en 1990.
157 400 décès étaient attribuables au cancer en 2018 (derniers chiffres disponibles à date) en France, soit une baisse de 54 % pour les hommes et 25 % pour les femmes depuis 1990.
Anticiper l’intérêt et l’efficacité des thérapies anticancers aboutit à une plus grande personnalisation des traitements, et en conséquence à une certaine désescalade thérapeutique. Autrement dit, à mieux soigner les malades et dans de meilleures conditions. Mais pour cela il faut les bons outils.
La chimiothérapie et la radiothérapie sont actives contre presque tous les types de tumeurs mais il faut parfois varier les doses pour être vraiment efficace. Or plus on les augmente, plus il y a des effets secondaires, ce que tous les patients ne peuvent supporter. Il faut donc des outils pour anticiper la balance bénéfices/risques de ces traitements classiques. Alors qu’avec les nouvelles stratégies thérapeutiques comme les thérapies ciblées et l’immunothérapie, c’est très différent : soit ça marche très bien soit pas du tout ! Donc là il faut des outils pour savoir chez quels patients cela va être utile.
Apparues en 2000, les thérapies ciblées relèvent de la médecine de précision : elles attaquent les cellules cancéreuses en ciblant précisément une altération moléculaire (ou biomarqueur) impliquée dans leur développement ou dans leur dissémination. Ces thérapies ne peuvent être données « à l’aveugle » à tous les patients car tous les cancers ne présentent pas les mêmes altérations.
Aujourd’hui il existe entre 60 et 80 thérapies ciblées différentes, et pour environ la moitié d’entre elles, les praticiens disposent d’un test moléculaire ou génétique qui sert à vérifier si elles vont être efficaces. Ces tests reposent sur l’identification d’une protéine anormale ou d’une modification génétique. Ils sont réalisés par les plateformes de génétique moléculaire des cancers de l’INCa : en 2020, ces plateformes ont ainsi réalisé 196 000 tests déterminant l’accès à une ou plusieurs thérapies ciblées pour 85 000 patients.
Néanmoins, la présence d’un biomarqueur ne garantit pas toujours que la thérapie ciblée correspondante va être efficace à 100 %. Notamment à cause de l’hétérogénéité tumorale : au sein d’une même tumeur, certaines cellules peuvent y être sensibles et d’autres non. Or, au fur et à mesure du traitement, le risque est de sélectionner ces cellules cancéreuses résistantes. Les cellules peuvent aussi acquérir au cours de leur développement de nouvelles mutations qui vont les rendre résistantes.
De sorte qu’une thérapie ciblée ne suffit jamais à elle seule à guérir un cancer : les médecins ont maintenant besoin d’outils pour mieux anticiper et donc contrer ces phénomènes de résistance. Beaucoup de recherches sont en cours sur la résistance aux traitements.
Autre stratégie récente, l’immunothérapie, qui consiste à stimuler le système immunitaire pour qu’il s’attaque aux cellules cancéreuses, ou à bloquer les mécanismes utilisés par ces dernières pour échapper aux défenses de l’organisme. Quand cette approche fonctionne, la réponse au traitement est très bonne et durable. Mais il est pour l’instant difficile de prévoir quels patients vont répondre ou pas.
Le niveau d’expression à la surface des cellules cancéreuses de molécules appelées PD-L1 est l’un des marqueurs utilisés actuellement. Ces molécules ont une action inhibitrice sur l’immunité : ainsi, plus PD-L1 est présent et plus il y a des chances qu’une immunothérapie anti PD-L1 soit efficace. Mais il existe aussi des tumeurs avec une faible expression qui répondent quand même au médicament… C’est pourquoi les chercheurs travaillent à d’autres tests. Les chercheurs savent par exemple que les tumeurs qui présentent une grande quantité de mutations dans leur information génétique (charge mutationnelle) forte ont plus de chance de bien répondre. Des tests sur cette approche sont en cours.
Autre piste : une équipe de recherche française a montré qu’il est possible de prédire la réponse à l’immunothérapie grâce au score radionomique. Celui-ci est défini par un programme d’intelligence artificielle qui analyse les images obtenues par scanner et détermine à quel point la tumeur est infiltrée par les cellules immunitaires de type lymphocytes CD8. Plus le score est élevé et meilleure est la réponse à l’immunothérapie. Une autre équipe a, quant à elle, montré que la composition du microbiote digestif pouvait fournir des indicateurs sur l’efficacité d’une immunothérapie ! Cela laisse imaginer que l’on pourrait influer sur la composition du microbiote digestif des patients et augmenter ainsi l’efficacité d’une immunothérapie. Une hypothèse qui reste à tester.
Pour des stratégies plus classiques comme la chimiothérapie et la radiothérapie, l’objectif est plutôt d’anticiper l’intérêt ou la toxicité des traitements, pour ne les employer que lorsque la balance bénéfices/risques est avantageuse.
Depuis quelques années, il existe par exemple des tests qui analysent la signature génétique d’une tumeur du sein pour en évaluer le risque de récidive ou de métastases. Ces tests analysent une ou plusieurs dizaines de gènes, et servent à épargner une chimiothérapie et ses effets secondaires aux femmes dont le risque de récidive estimé est très faible après chirurgie.
Des équipes travaillent aussi à la mise au point de « chimiogrammes » qui permettent d’évaluer à l’avance quelle chimiothérapie va être la plus efficace, en exposant simplement ex vivo des cellules tumorales du patient à plusieurs molécules.
Quant à la radiothérapie, il existe des tests pour anticiper les effets secondaires tardifs, notamment de fibrose de la peau. Ainsi, chez les patientes ayant un cancer du sein, le test dit d’ « apoptose lymphocytaire », qui mesure dans le sang la mort des lymphocytes après irradiation, permet d’évaluer les risques et d’adapter en conséquence la prise en charge thérapeutique. Des études sont en cours pour évaluer la validité de ce test dans le cadre du cancer du poumon et celui de la prostate.
Il y a également des tests basés sur les caractéristiques génétiques des tumeurs mais ils sont encore en phase préliminaires de développement. C’est le cas pour la radiothérapie adjuvante, un type de radiothérapie qui vient compléter un premier traitement anticancer, par exemple une chirurgie ou une chimiothérapie. Elle est utilisée contre de nombreux cancers. Ces tests serviront à évaluer à l’avance le risque d’effets secondaires tardifs et à adapter la prise en charge en conséquence.
Anticipation et personnalisation, deux qualités vers lesquelles l’oncologie moderne tend de plus en plus.
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