Atteintes d'endométriose, deux femmes nous racontent : leur errance diagnostique, leur prise en charge, mais aussi, leurs espoirs en la recherche.

#1

« Sportive de haut niveau, je n’ai été réglée que tardivement, à l’âge de 17 ans. Dès le premier cycle j’ai commencé à souffrir le martyr, au point de ne pas pouvoir sortir de chez moi et de rester clouée au lit de douleur. On m’a alors mise sous pilule, ce qui ne m’a pas soulagée, et j’ai continué à subir ces douleurs, pendant mes règles et en dehors, jusqu’à mes 30 ans. C’est à cet âge que j’ai déménagé, ce qui m’a contrainte à changer de gynécologue. Dès le premier examen, ce dernier m’a diagnostiqué une endométriose, que les échographies et autres médecins n’avaient jamais vue en 13 ans.

Depuis, j’ai déjà subi deux opérations chirurgicales, une troisième devrait bientôt être de nouveau nécessaire. Les traitements hormonaux qui me sont prescrits sont très lourds. Qu’il s’agisse de médicaments oraux ou d’injections, ils entraînent des effets secondaires très pénibles : troubles de l’humeur, prise de poids, fatigue intense. J’ai eu la chance inouïe de tomber enceinte naturellement, au moment même où j’allais abandonner l’idée d’avoir un jour un enfant puisque mon centre de PMA venait de m’annoncer que je n’avais plus d’ovocytes et que ma dernière option était d’avoir recours à un don.

Le plus difficile à vivre dans cette maladie très handicapante, c’est qu’elle est invisible.

Je fais partie des familles que le Dr Carole Abo étudie pour explorer les pistes génétiques de la maladie. Ma sœur souffre elle aussi d’endométriose, et l’on pense que ma mère et ma tante en ont souffert également, même si elles n’ont jamais été diagnostiquées.

J’espère que la recherche trouvera enfin un moyen de guérir cette maladie qui, dans ses mécanismes d’évolution et du fait de son incurabilité, est vraiment comme un cancer, mais dont on ne meurt pas. »

Nathalie, 39 ans

#2

 « Ma sœur cadette, aujourd’hui âgée de 29 ans, est atteinte d’endométriose profonde depuis de nombreuses années. Entre sa puberté et la découverte de cette maladie, elle a vécu un calvaire, avec des douleurs lombaires si fortes qu’à partir de l’âge de 22 ans, elle a dû s’aider d’une canne pour marcher. Pour elle, le diagnostic a été posé il y a quatre ans seulement. Opérée en urgence, elle a depuis été opérée deux autres fois, des opérations très lourdes qui laissent des traces au niveau digestif et reproductif. Elle ne pourra pas avoir d’enfant naturellement et suit un difficile parcours de PMA depuis quatre ans.

J’ai eu la chance, entre guillemets, d’un parcours plus facile. Une puberté normale et peu de symptômes, certainement atténués par la pilule contraceptive qui m’a été prescrite dès l’âge de 16 ans. Je l’ai arrêtée à 30 ans, pendant près de deux ans. C’est durant cette période que les symptômes se sont manifestés, entraînant des douleurs d’une intensité que je n’avais jamais connue. C’est alors ma sœur qui a insisté pour que je me fasse dépister à mon tour, sachant qu’une femme dont la mère ou la sœur est atteinte a un risque 6 fois plus élevé d’être touchée elle aussi.

Ensuite, il m’a fallu attendre de longs mois avant d’avoir un diagnostic, entre les échographes et les gynécologues qui ne voyaient rien, et les délais de rendez-vous avec les spécialistes qui peuvent être très longs. J’ai fini par trouver, mais comme de nombreuses femmes confrontées à l’endométriose, j’ai dû me débrouiller toute seule pour m’orienter.

Aujourd’hui, je fais l’objet d’une prise en charge pluridisciplinaire. Je suis accompagnée par une gynécologue, une spécialiste de la douleur, un radiologue, une nutritionniste et d’autres spécialistes en médecines complémentaires. La surveillance et le suivi sont très réguliers, au minimum tous les six mois. L’objectif principal étant d’essayer d’éviter une opération. Jusqu’à maintenant, les traitements (principalement la pilule contraceptive en continu) ont pu freiner l’évolution de la maladie et des lésions principales, même si la maîtrise des kystes est plus compliquée parce qu’ils peuvent parfois continuer à grossir et à évoluer malgré les traitements.

Outre ce suivi qui n’est pas sans conséquence sur ma vie, je m’estime assez chanceuse. J’ai réussi à apprendre à vivre avec cette maladie et je fais tout ce que je peux pour essayer d’en réduire autant que possible ses impacts. Je refuse que l’endométriose me définisse et qu’elle m’empêche de mener à bien ma vie personnelle ou professionnelle.

Ce qui m’interroge de plus en plus, étant donné mon âge, ce sont les conséquences que celle-ci peut avoir sur ma fertilité. Aujourd’hui, les médecins ne sont pas capables de prédire si cela posera ou non souci, dans la mesure où je n’ai encore jamais été dans un projet de grossesse. Commence donc à se poser la question de la préservation de ma fertilité, et donc notamment de la congélation de mes ovocytes. Je ne sais pas si je le ferai car cela suppose des traitements hormonaux lourds et très contraignants, qui peuvent aussi aggraver l’endométriose.

Toute ma famille participe au projet de recherche du Dr Abo. Ma mère, mon père, ma sœur et moi. La génétique de notre famille est étudiée comme celle des autres familles de la cohorte pour, je l’espère, pouvoir en tirer des conclusions. J’espère que cela permettra de mettre en lumière des éventuels facteurs héréditaires de la maladie entre sœurs, cousines, mères-filles. Plus on pourra prendre en charge les patientes tôt, grâce à ces potentielles prédispositions, plus on pourra essayer de réduire les conséquences de cette maladie sur la vie des femmes qui en sont atteintes. »

 Stéphanie Chézeaux, 34 ans 

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