Comment, au milieu d’une famille d’artistes – des parents stylistes designers, un frère et une sœur formés aux Beaux-Arts – devient-on médecin réanimateur ?
« J’étais sans aucun doute le plus cartésien à la maison, évoque Maxens Decavèle en souriant. Mais plus que tout, j’ai toujours été fasciné par le microcosme qui nous entourait, dans la campagne du Beaujolais. Je passais mon temps dans les fourrés à chercher de nouvelles araignées pour en faire l’élevage. J’avais l’impression qu’il était important de changer de point de vue pour comprendre les choses. »
La suite ? Des études de médecine à Lyon, puis la capitale pour un internat en pneumologie. Il y découvre la réanimation lors d’un stage à l’hôpital Tenon. Coup de foudre. « Cet univers, le rôle qu’on y joue m’ont immédiatement plu. On est dans l’urgence, dans l’essentiel, dans la cohésion d’équipe, les relations avec la famille des patients. »
Comprendre la souffrance
Par-dessus tout, c’est l’humain qui fait courir le jeune médecin. Ses relations étroites avec ses patrons, Alexandre Demoule et Thomas Similowski, l’attestent. « En réanimation, il y a aussi des enjeux cliniques et éthiques forts. Et d’abord la dignité des patients. Ce n’est pas parce qu’ils sont endormis qu’ils sont déshumanisés. J’ai été interpellé par la question de la souffrance, en particulier celle induite par la dyspnée (la sensation aiguë de manquer d’air), qui peut se produire sous ventilateur. Cette souffrance méconnue conduit à un trauma car elle est très angoissante. Une fois réveillés, les patients s’en souviennent longtemps. L’objectif est donc de l’éviter pour améliorer leur rétablissement. Là aussi, pour comprendre la souffrance d’un malade non communicant, il faut changer de point de vue. »
Maxens Decavèle a donc consacré sa thèse à mettre au point un dispositif capable de déceler automatiquement les expressions du visage liées à la dyspnée chez des sujets sains. « Prochaine étape : le tester chez les patients sous ventilation artificielle. » Intarissable sur son métier, il justifie : « Ce n’est pas un travail, c’est un prolongement de moi-même. » Il avoue parfois s’interroger sur la connexion avec sa propre expérience de la réanimation, à l’âge de 5 ans, pour une encéphalite grave. « On m’a dit que j’avais tiré sur le tuyau moi-même, le moment venu de me réveiller… »
Une passion née par hasard, vraiment ?
Propos recueillis par Catherine Brun