Mis à jour le 28 septembre 2021

Santé mentale : 10 idées reçues décryptées

"La dépression, on peut s’en sortir tout seul !",  "Les personnes bipolaires changent d’avis et d’humeur tout le temps !", ou encore "Les personnes schizophrènes sont dangereuses, il est préférable de les interner !"... Les idées reçues à l'égard des maladies psychiatriques persistent.

Dépression, bipolarité, schizophrénie, addictions, troubles du comportement alimentaire (tca) : pour y voir plus clair, sensibiliser et destigmatiser ces pathologies, la FRM, avec l'aide des chercheurs et experts, démêle le vrai du faux et organise la tout première Semaine de la Recherche en Santé Mentale, du 11 au 15 octobre 2021.

#depression

IDÉES REÇUES SUR LA DÉPRESSION

La dépression, on peut s'en sortir seul !

FAUX

La dépression est une maladie qui se caractérise notamment par une perte de motivation, un manque d’estime et de confiance en soi. La souffrance psychique
des patients atteints de dépression est quasi permanente et durable pendant au moins deux semaines et souvent plusieurs semaines voire plusieurs mois… Cette pathologie sévit en outre à tous les âges quels que soient le niveau d’éducation, le statut socio-économique et les origines ethniques. 75 % des Français pensent que la dépression survient à la suite d’un choc émotionnel ou d’un traumatisme. C’est vrai dans de nombreux cas : elle peut survenir à la suite d’un traumatisme comme la maltraitance pendant l’enfance ou à l’âge adulte, une perte d’emploi, une séparation, un deuil… ou sans aucun élément déclencheur identifié. Les facteurs génétiques peuvent aussi jouer un rôle, certaines personnes étant à priori plus à risque que d’autres.

Ainsi, la dépression doit être prise en charge par des professionnels de santé et doit être accompagnée par une psychothérapie et/ou un traitement médicamenteux. Pourtant, encore 1/3 (32 %) des Français pensent que l’on peut se sortir tout seul d’une dépression…

Bien que cette maladie soit très difficile à vivre pour l’entourage, le rôle de ce dernier est également primordial dans l’accompagnement du malade : l’écoute et la compréhension pouvant guider vers la guérison !

Les traitements contre la dépression fonctionnent bien !

VRAI ET FAUX

La dépression détruit des neurones et abime le cerveau, les antidépresseurs, eux, le soignent ! Aujourd’hui, 57 % des Français estiment que le traitement par antidépresseur fonctionne bien, et ils ont raison, en partie ! En effet l’arsenal thérapeutique, conséquent, est efficace chez près de 70 % des patients souffrant de dépression modérée à sévère. Mais malheureusement, il faut parfois tenter plusieurs médicaments avant de voir une amélioration. Et après chaque échec thérapeutique, la guérison est repoussée. Au final, 30 % des malades sont résistants aux traitements après 4 tentatives de molécules différentes. Quand on sait que l’espérance de vie des personnes dépressives est réduite de 10 à 15 ans et que les malades sans traitement adéquat peuvent aller jusqu’au suicide, la recherche médicale reste à ce jour la meilleure arme pour combattre la maladie.

L'avis de l'expert : le Pr Philippe Fossati

Philippe Fossati est Professeur des universités – Praticien hospitalier, groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, service de psychiatrie, Paris.

« Les chercheurs doivent mieux comprendre les mécanismes biologiques et cérébraux de la dépression, et développer des traitements plus performants, avec des modes d’action différents, efficaces contre les dépressions résistantes. Par exemple, on sait aujourd’hui que l’inflammation cérébrale pourrait avoir un rôle dans l’apparition de la maladie, et dans les dépressions sévères et résistantes. Des pistes sont envisagées pour l’éliminer. L’identification des facteurs de susceptibilité à la dépression aurait un intérêt aussi bien préventif que pour élaborer de nouveaux traitements. Enfin des biomarqueurs sont recherchés pour améliorer le diagnostic, et prédire l’efficacité des traitements ou prévenir les récidives. L’objectif étant à terme de développer une médecine personnalisée, adaptée à chaque patient. »

#bipolarite

IDÉES REÇUES SUR LA BIPOLARITÉ

Les personnes bipolaires changent d'avis et d'humeur tout le temps !

FAUX

Contrairement à ce qu’une majorité (83 %) de Français croit, les personnes atteintes de bipolarité ne changent pas d’avis et d’humeur tout le temps !

Cette maladie, dont les troubles apparaissent généralement entre 15 et 25 ans, est une pathologie à rechutes. Les patients présentent des phases dépressives et des phases dites d’excitation, de durée et d’intensité variables. En dehors de ces phases, les patients peuvent avoir de longues périodes de rémission mais certains seront impactés dans leur fonctionnement par des symptômes résiduels ou d’autres troubles associés. Les symptômes des phases dépressives sont notamment une tristesse, une perte de plaisir, d’estime de soi… Alors qu’en phase d’excitation, les patients sont euphoriques, hyperactifs, et peuvent développer un sentiment de toute puissance. Les personnes souffrant de bipolarité peuvent également développer des conduites à risque (sexualité, dépenses, addictions) et porter atteinte à leur vie, le risque de suicide étant élevé.

Alors que près d’1 Français sur 3 (30 %) estime qu’il est facile de diagnostiquer cette maladie, la réalité est tout autre. Malheureusement, il faut en moyenne 10 ans entre le début des troubles et leur diagnostic. Cela tient à une forte hétérogénéité des formes cliniques, et certaines formes d’exaltation modérées sont parfois difficiles à repérer. Les conséquences de ce retard sont lourdes, car sans traitement adapté, les risques de suicide, d’hospitalisations, de perte de travail, de développer des troubles associés, ou encore d’isolement progressif de la personne malade sont fréquents.

1 Français sur 5 (20 %) s’imagine que l’on peut guérir un jour d’un trouble bipolaire. Malheureusement, bien que les traitements à vie réduisent fortement les symptômes et la récurrence des épisodes, la vulnérabilité persiste et l’arrêt du traitement entraine des rechutes. La recherche médicale est fondamentale aujourd’hui pour réussir à diagnostiquer plus rapidement la maladie et développer des traitements efficaces.

La bipolarité est une maladie qui peut être héréditaire

VRAI

45 % des Français déclarent aujourd’hui que la bipolarité ne peut pas être héréditaire !

Or la composante génétique est forte dans les troubles bipolaires. Si l’un des parents souffre de la maladie, le risque que l’enfant soit atteint est de 10 % par rapport à 1 à 2% dans la population générale. Si les deux parents sont malades, ce risque va jusqu’à 30 %. Des études menées auprès de jumeaux indiquent que 60 % de la maladie peut être expliquée par les gènes. Ce qui signifie que la part de l’environnement (stress, traumatismes, violence, cannabis, alcool…) serait de 40 % dans le déclenchement de la maladie. La génétique des troubles bipolaires est complexe, il n’y a pas un gène unique qui va transmettre la maladie, mais c’est une association de variants génétiques, ayant un impact plus ou moins important, qui va augmenter le risque. Les formes de troubles bipolaires sont donc nombreuses, d’où la nécessité de développer des stratégies thérapeutiques personnalisées.

L'avis de l'expert : la Pr Chantal Henry

Chantal Henry est Professeur en psychiatrie, Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.

« Il existe plusieurs problèmes auxquels nous devons remédier aujourd’hui. Tout d’abord les troubles bipolaires présentent un retard au diagnostic, il faut donc identifier des marqueurs biologiques ou d’imagerie, qui permettront d’accélérer le diagnostic et de prendre en charges les patients plus rapidement. Des techniques d’imagerie ont déjà permis de détecter des anomalies dans certaines zones du cerveau impliquées dans la gestion des émotions. Par ailleurs les troubles bipolaires sont très hétérogènes, d’où la nécessité de mieux identifier les sous-groupes de patients, de mieux comprendre les mécanismes de ces différentes facettes de la maladie afin de développer des traitements personnalisés. »

#schizophrenie

IDÉES REÇUES SUR LA SCHIZOPHRÉNIE

Les personnes schizophrènes sont dangereuses, il est préférable de les interner !

FAUX

Certes les symptômes impressionnent mais les patients ne sont pas violents pour autant et peuvent vivre hors d’une structure médicale… pourtant encore près d’1 Français sur 2 (44%) pense que les personnes schizophrènes sont dangereuses et qu’il vaut mieux les interner !

Les signes de la schizophrénie diffèrent beaucoup entre les personnes. On distingue les symptômes dits «positifs» caractérisés par des épisodes délirants, des hallucinations visuelles ou auditives… et des symptômes dits «négatifs» qui se traduisent par un retrait, un manque d’énergie pouvant être associé à une anxiété. Les patients peuvent aussi présenter une désorganisation de la pensée et des comportements, souvent liée à des troubles de la mémoire ou du langage. Une variété de symptômes qui amènent 79% des Français à croire que les personnes schizophrènes ont plusieurs personnalités : un jugement une nouvelle fois erroné !

Enfin, même si 54% des Français s’imaginent que l’on peut avoir une vie tout à fait normale avec la maladie, cela reste encore trop souvent compliqué de vivre avec une schizophrénie. Bien que les patients puissent connaître des périodes de rémission très durables, il peut persister un handicap psychique. Les traitements comme les «antipsychotiques» permettent de réduire l’intensité des symptômes et de les contrôler, en particulier s’ils sont prescrits rapidement, et ce sur une période assez longue après une crise aigüe pour éviter les rechutes. Mais 30% des patients ne répondent que partiellement à ces traitements, et le rétablissement nécessite un accompagnement psychosocial (remédiation cognitive, gestion du stress, thérapie cognitive et comportementale) afin de mieux gérer leurs symptômes au quotidien. La recherche médicale doit aujourd’hui aller plus loin pour prévenir la progression des troubles et augmenter les chances d’un rétablissement de qualité.

La schizophrénie se développe généralement à l'adolescence

VRAI

Contrairement à ce que pensent 40 % des Français, la schizophrénie se révèle souvent à l’adolescence, entre 15 ans et 25 ans. C’est une période importante où la maturation cérébrale s’achève et est sensible aux agressions, mais elle est aussi particulièrement propice à une bonne récupération. Alors qu’encore près 1 Français sur 3 (31 %) pense que le diagnostic de la maladie est facile, celui-ci peut en réalité être difficile à cause de la diversité des symptômes rencontrés chez les patients. Il repose principalement sur un entretien minutieux avec un praticien, qui cherchera à évaluer avec précision les signes de la maladie. D’autres examens pourront ensuite être conduits comme des bilans d’imagerie et sanguins, pour éliminer certaines pathologies, ou encore un bilan psychométrique et cognitif afin de confirmer le contexte du diagnostic.

Même si la schizophrénie se déclenche tôt, ce n’est pas pour autant une pathologie qui peut être « héréditaire » comme le croient 53 % des Français. Les personnes, dont un membre de la famille est atteint de schizophrénie, présentent un risque plus élevé de la développer mais c’est une maladie dite « multifactorielle », qui associe une prédisposition génétique à des conditions environnementales favorisantes (consommation de certaines substances psychoactives comme le cannabis, anomalies du développement cérébral…). La recherche doit permettre d’identifier des biomarqueurs facilitant le diagnostic et permettant de mieux anticiper le risque d’évolution vers la schizophrénie devant les premiers symptômes afin d’intervenir de façon mieux ciblée.

L'avis de l'expert : la Pr Marie-Odile Krebs

Marie-Odile Krebs est Professeur de psychiatrie, cheffe du pôle psychiatrie au Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.

« Elucider avec plus de précision l’origine de la schizophrénie est l’une des priorités des chercheurs. Il est crucial d’identifier de nouveaux facteurs de prédisposition à la pathologie et de mieux comprendre les facteurs aggravants et surtout protecteurs qui pourraient empêcher son développement. La question du diagnostic précoce est aussi centrale, tout comme l’identification de biomarqueurs pour suivre l’évolution de la maladie. Il ne faut pas oublier la nécessité de mettre au point des thérapeutiques présentant moins d’effets secondaires et agissant sur l’origine de troubles. Les améliorer permettrait aux malades de prendre plus régulièrement leur traitement, ce qui empêcherait les rechutes. »

#addictions

IDÉES REÇUES SUR LES ADDICTIONS

La volonté et la discipline suffisent généralement pour vaincre les addictions

FAUX

L’addiction est une maladie qui doit être considérée et traitée comme telle. Même si les Français sont 50 % à s’imaginer que la volonté et la discipline suffisent généralement à vaincre une addiction… ce n’est pas du tout le cas ! L’addiction correspond à une dépendance forte à une substance ou à une pratique, et ce en dépit de la connaissance de ses effets négatifs et de tous les efforts pour s’y soustraire. La dépendance désigne un désir fort de consommer un produit ou de réaliser une activité au détriment des autres. Elle induit un malaise psychique et/ou physique en cas d’arrêt.

87 % des Français déclarent que nous ne sommes pas égaux face aux addictions, et ils ont raison. Plusieurs types de facteurs concourent à leur développement. Tout d’abord, des facteurs « individuels » comme l’âge de la première consommation, le sexe, certains traits de personnalité, une maladie psychique préexistante et des prédispositions génétiques qui peuvent faire varier les sensations ressenties lors de la consommation. Il existe également des facteurs « environnementaux » comme un climat familial délétère ou encore une facilité d’accès aux substances. Enfin, le risque de développer une dépendance est aussi lié au type de produit en cause, dont le pouvoir addictogène peut varier. L’existence de ces facteurs permet de battre en brèche une autre idée reçue que partagent 86 % des Français : les personnes dépendantes ne cherchent pas à combler un manque dans leur vie.

La situation de crise sanitaire que nous traversons depuis des mois a amplifié le nombre d'addicts (tabac, alcool, etc.)

VRAI

Un point de vue partagé à juste titre par 84 % des Français ! Les confinements successifs auraient en effet favorisé l’émergence de tels comportements au sein de la population vis-à-vis des aliments, du tabac ou encore de l’alcool.

L’addiction est un processus plus ou moins rapide, qui voit les individus augmenter progressivement la fréquence et la quantité de leur consommation. L’explication est la suivante : la prise de certaines substances active un circuit cérébral « de récompense », ce qui se traduit par une sensation de plaisir. Pour retrouver ce sentiment, la personne est incitée à renouveler l’expérience, mais au fur et à mesure, le cerveau devient moins sensible à ces conduites.

Enfin, contrairement à une idée reçue partagée par près de la moitié des Français (45 %), les jeunes ne souffrent pas plus des addictions que les autres. Toutes les classes d’âge sont concernées, même si les périodes de l’adolescence et du début de l’âge adulte sont plus propices à leur émergence.

L'avis de l'expert : le Pr Pierre Thomas

Pierre Thomas est Psychiatre, Professeur des universités-Praticien hospitalier, Chef du pôle de psychiatrie du CHU de Lille.

« Les chercheurs poursuivent l’identification des facteurs de vulnérabilité qui poussent les patients à un comportement addictif. Ils s’intéressent aussi aux mécanismes du développement de cette maladie, au niveau biologique mais aussi aux niveaux psychologique et environnemental. Côté prise en charge, la mise au point de thérapies, médicamenteuses ou non, fait l’objet de recherches actives. Les techniques de neuro-modulation pourraient s’avérer pertinentes pour prendre en charge les patients en cours de sevrage. Il s’agit de dispositifs médicaux modifiant directement l’activité cérébrale. »

#tca

IDÉES REÇUES SUR LES TROUBLES DE COMPORTEMENT ALIMENTAIRE (TCA)

Les hommes ne sont pas atteints par les troubles du comportement alimentaire !

FAUX

Même si ces troubles affectent principalement des jeunes filles et femmes, les hommes n’en sont pas totalement exclus ! Si près d’1 Français sur 5 (17 %) croit que les hommes ne sont pas atteints par des troubles du comportement alimentaire, dans les faits, 1 homme pour 9 femmes en souffre en moyenne. Un chiffre qui pourrait être en deçà de la réalité, les hommes en parlant moins et consultant moins que les femmes…
Un TCA (trouble du comportement alimentaire) n’est pas à confondre avec la perte d’appétit ou le grignotage. Le diagnostic est posé lorsqu’une modification de la relation à la nourriture associée à une souffrance psychique s’installe durablement, avec des conséquences pour la santé.

Les troubles les plus fréquents sont : l’anorexie mentale (réduction volontaire des apports alimentaires, insuffisants aux besoins, avec ou sans comportements compensatoires comme les vomissements), la boulimie (répétition d’épisodes compulsifs d’ingestion de grandes quantités de nourriture, suivis de comportements compensatoires comme les vomissements) et l’hyperphagie boulimique (épisodes récurrents de crises de boulimie mais sans comportement compensatoire associé). Les Français sont conscients de la sévérité de ces troubles : seuls 13% d’entre eux déclarent que ce ne sont pas des maladies graves.
Chaque trouble du comportement alimentaire s’accompagne en effet de conséquences physiques importantes induites entre autres par la malnutrition, voire la dénutrition pouvant mettre la vie en danger, les comportements compensatoires, ou le surpoids.

La publicité, les médias, les réseaux sociaux comme Instagram sont responsables des TCA

VRAI… et FAUX

67 % des Français pensent que les médias et les réseaux sociaux sont responsables des troubles du comportement alimentaire… et c’est en partie vrai ! Ils peuvent favoriser l’entrée dans les troubles du comportement alimentaire en véhiculant des messages dans lesquels le contrôle du corps et la minceur sont survalorisés. Mais ce sont des maladies aux facteurs de risque multiples, les médias et réseaux sociaux ne sont pas les seuls responsables. Les facteurs de risque socioculturels ne sont pas à négliger, les milieux sportifs, artistiques et celui de la mode étant les plus exposés. Il y aurait aussi une prédisposition génétique avec une héritabilité proche de 70 % dans l’anorexie mentale. Enfin, les troubles du comportement alimentaire peuvent également dépendre de caractéristiques individuelles comme certains traits de personnalité (perfectionnisme) ou certains troubles psychiatriques (anxiété, dépression…).

Mais les jeunes seraient-ils plus touchés par les TCA ? Pour 62 % des Français, c’est oui. Et c’est vrai pour l’anorexie mentale, dont le pic d’incidence se situe entre 13-14 ans et 16-17 ans, et pour la boulimie avec un maximum de cas entre 19 et 20 ans. L’hyperphagie boulimique touche en revanche plus de personnes à l’âge adulte. Si l’on englobe toutes les formes des troubles du comportement alimentaire, on estime que 10 % de la population pourrait être concernée. Et les patients ayant développé un trouble du comportement alimentaire sont plus à risque d’en développer un autre par la suite.

L'avis de l'expert : Chloé Tezenas du Montcel

Chloé Tezenas du Montcel est Psychiatre.

« Aujourd’hui, le traitement des TCA repose principalement sur le rééquilibrage nutritionnel et des prises en charge psychothérapeutiques ciblées mais l’efficacité reste partielle. De nombreuses pistes de recherche tentent de mieux comprendre les mécanismes spécifiques en jeu dans le développement et le maintien des troubles, par exemple au niveau du système de la récompense ou de la prise de décision, pour proposer des traitements spécifiques efficaces. Par exemple, sur le plan médicamenteux, des essais sont menés sur des antipsychotiques dans l’anorexie mentale, ou avec des dérivés des amphétamines dans la boulimie. D’autres études explorent des techniques de modulation de l’activité cérébrale. Cependant, il faut également améliorer les filières de soins, pour diagnostiquer et prendre en charge les patients précocement afin de limiter les conséquences dramatiques de ces troubles chroniques. »

LES MALADIES PSYCHIATRIQUES FACE À LA PANDÉMIE

« Les mesures de confinement, avec la limitation des contacts sociaux, les conséquences économiques et la désorganisation des soins ont de sévères conséquences sur les maladies psychiatriques. »

Pr Philippe Fossati

« La crise sanitaire que nous avons traversée et traversons encore a clairement un impact sur les maladies psychiatriques. Le climat d’insécurité, la menace ressentie par la population, le risque de contagion, les mesures de confinement qui ont limité les contacts sociaux, ont contribué à aggraver la situation de la psychiatrie. On a vu apparaître des pathologies chez des gens qui n’en avaient pas jusqu’ici, notamment des troubles anxieux. On s’est aperçu aussi que les pathologies déjà présentes s’étaient aggravées. On a vu arriver aux urgences des malades dans des états sévères car la disponibilité des soins a été bouleversée : pendant le premier confinement, les patients ne pouvaient plus aller en consultation ou à l’hôpital de jour, il y a eu des décompensations et certains étaient dans un état très grave.

Les conséquences économiques vont aussi avoir des répercussions notables sur l’état psychologique des gens.

On sait que toutes les crises économiques entraînent une augmentation des pathologies psychiatriques et une augmentation du risque de mortalité par suicide. Cela a été le cas en 2008 lors de la crise financière, le nombre de suicides a augmenté. Mais il n’y a pas que les effets de la crise, la Covid-19 en elle-même a des effets sur la santé mentale. Une publication récente montre que le fait d’avoir été infecté par le SARS-CoV-2, le virus responsable de la Covid-19, pourrait avoir un impact sur le fonctionnement cérébral et les maladies psychiatriques et neurologiques. Ce virus peut en effet affecter le système nerveux, donc le cerveau. Dans cette étude, chez près de 230 000 personnes guéries de la Covid, on a observé que 33 % d’entre-elles avaient un diagnostic de maladie psychiatrique ou neurologique 6 mois plus tard, dont 17 % de troubles anxieux. Mon équipe va publier des résultats qui montrent que sur 120 patients hospitalisés pour la Covid, 30 % présentent des symptômes de type stress post-traumatique.

La question est maintenant de savoir si nous avons la capacité de faire face à cette situation. »

Dépression, bipolarité, schizophrénie, addictions, troubles du comportement alimentaire (TCA) : la FRM démêle 10 idées reçues sur les maladies psychiatriques.

Du 11 au 15 octobre, la FRM a organisé la toute première Semaine de la Recherche en Santé Mentale pour aider à déstigmatiser les maladies psychiatriques, ouvrir plus largement le débat et collecter des dons pour faire avancer la recherche médicale dans ce domaine.

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