Mis à jour le 22 novembre 2021

Comprendre le fonctionnement de la mémoire immunitaire contre le SARS-CoV-2

Notre parrain est allé à la rencontre de Matthieu Mahévas, immunologiste, qui fait ses recherches à l’Institut Necker-Enfants malades, à Paris et exerce la médecine à l’hôpital Henri Mondor à Créteil, dans le Val-de-Marne. Avec son équipe, composée de spécialistes de l’étude du système immunitaire, il étudie le fonctionnement de la mémoire immunitaire de long terme contre le SARS-CoV-2.

Ces travaux, soutenus par la FRM, étaient au cœur de la chronique de Thierry Lhermitte dans Grand Bien Vous Fasse, le 22 novembre2021, sur France Inter

    Avant de parler de votre visite au laboratoire de Matthieu Mahévas, quelques mots sur le Covid-19  ?

          La pandémie mondiale actuelle, apparue en Chine à la fin de 2019, est provoquée par un virus émergent, c’est-à-dire que l’humain n’avait encore jamais rencontré, le SARS-CoV-2.  Il appartient à la famille des coronavirus. Une famille qui compte à ce jour 7 virus différents. Quatre sont des virus saisonniers, qui nous donnent le plus souvent de simples rhumes.  

          Mais 3 autres types plus virulents ont émergé au début des années 2000 et provoqué des épidémies d’infections respiratoires graves, parfois mortelles. 

          • D’abord le SARS-CoV-1, à l’origine d’une épidémie de SRAS (le syndrome respiratoire aigu sévère) de 2002 à 2004, avant de disparaître spontanément. 
          • En 2012, ça a été le MERS-CoV, identifié au Moyen-Orient, mortel dans 35 % des cas. Entre 2012 et 2020, il y a eu 2 500 cas, dont 80 % en Arabie Saoudite, et 900 morts.  On n’a ni de vaccin, ni de traitement à ce jour.
          • Et depuis 2 ans c’est le SARS-CoV-2, qui aurait déjà fait au moins 5 millions de morts à travers le monde.


          Vous avez donc rencontré une équipe d'immunologistes qui travaillent sur ce sujet.

          Oui, j’ai rencontré Matthieu Mahévas à l’Institut Necker, son équipe de deux jeunes brillants chercheurs, Aurelien Sokal et Pascal Chappert, ainsi que Claude-Agnès Reynaud et le Pr Jean-Claude Weill, qui ont collaboré avec lui sur ce sujetCtravail associe de nombreux autres contributeurstous spécialisés dans l’étude du système immunitaire. Début 2020, quand le confinement a fermé les laboratoires, ils ont décidé d’unir leurs compétences contre le Covid-19.  


          En quoi consiste leur projet  ? 

          L’objectif était de déterminer si on développait une mémoire immunitaire de long terme contre le SARS-CoV-2. 


          Qu’est-ce que c’est, la mémoire immunitaire  ? 

          Notre système immunitaire nous protège des agents pathogènes, comme les virus ou les bactéries. Il est capable de développer une mémoire, c’est-à-dire de se souvenir de chaque agresseur qu’il rencontre. De sorte que si l’on entre en contact une deuxième fois avec le même virus ou la même bactérie, nos défenses sont activées plus rapidement et plus efficacement pour l’éliminer.


          Et comment ça fonctionne, cette mémoire immunitaire  ? 

          Elle est assurée par deux types de cellules immunitaires  : 

          • Des cellules qu’on appelle les cellules B à mémoire. Elles ont à leur surface un récepteur, une sorte de pince chargée d’attraper les antigènes, c’est-à-dire les protéines présentes à la surface de l’agent pathogène, virus ou bactérieElles patrouillent dans le sang et vont aussi dans les ganglions lymphatiques et la rate Lorsque ces cellules B à mémoire rencontrent l’agresseur, en l’occurrence le SARS-CoV-2, elles sont activées et se transforment en cellules appelées plasmocytes. 
          • Ces plasmocytes sont le 2e type de cellules qui assurent la mémoire immunitaire. Ils migrent dans la moelle osseuse, où ils s’installent pour fabriqueles anticorps destinés à neutraliser l’agresseur dans le sang. 


          Qu’est-ce ces chercheurs ont fait pour connaître la mémoire immunitaire après l’infection par les virus  ?
          Ils ont étudié des échantillons de sang de patients hospitalisés pour des formes graves de Covid et d’autres avec des formes moins sévères. Ils ont découvert qu’au bout de 2 à 6 semaines après l’infection, les patients produisent des anticorps très efficaces. Mais la question était : combien de temps dure cette mémoire immunitaire, c’est-à-dire combien de temps les plasmocytes qui sont dans la moelle osseuse secrètent-ils leurs anticorps ? Car ça, ça dépend de l’agent infectieux. Pour la fièvre jaune, par exemple, ça dure toute la vie. Mais pour les coronavirus saisonniers, ceux qui donnent des rhumes, ça ne dure que 12 mois. Pour le savoir, ils ont donc suivi ces mêmes patients en prélevant leur sang 3 mois, 6 mois, puis un an plus tard.

          Qu’ont-ils découvert alors  ?
          Trois choses très importantes  :

          • D’abord, les patients qui ont eu le Covid ont des anticorps neutralisants, capables d’éliminer le virus, pendant au moins un an (c’est le recul qu’on a à ce jour)  ;
          • Ensuite, cette réponse immunitaire est un peu plus forte chez les malades sévères que chez les malades moins graves  ;
          • Enfin et surtout, la réponse immunitaire s’améliore au fil du temps grâce aux cellules B mémoire. Car elles maturent dans les ganglions et la rate, selon un processus très complexe. En cas de nouvelle rencontre avec le virus, elles peuvent alors se transformer en plasmocytes qui produisent des anticorps encore plus efficaces pour le neutraliser !


          Et le vaccin, dans tout ça  ?

          C’est la deuxième partie du travail animé par Matthieu Mahévas. L’équipe a étudié le sang des patients ayant déjà eu le Covid et vaccinés avec 1 dose de vaccin ARN messager 1 an après l’infection. Ils ont aussi étudié le sang de personnes qui n’ont pas été malades et vaccinées par le vaccin ARN avec les 2 injections recommandées.

          La conclusion de leur travail, c’est que le rappel (la 1e injection de vaccin chez ceux qui ont eu le Covid et la 2e chez ceux qui ne l’ont pas eu) augmente considérablement la force et l’efficacité de la réponse immunitaire. Mais après deux doses de vaccin, les défenses immunitaires de ceux qui n’ont pas eu le Covid restent inférieures à celles des anciens malades.


          Quel a été l’impact de ces découvertes pour la stratégie vaccinale en France  ?

          Premièrement, Matthieu Mahévas a contribué à promouvoir qu’une seule dose après 6 mois suffisait après avoir eu le Covid-19.

          Ensuite, ces résultats justifient la 3e dose : chez les gens qui n’ont jamais eu le Covid ou les personnes avec un système immunitaire faible (comme les personnes âgées), elle va permettre de booster fortement la mémoire immunitaire, de quoi conférer une protection efficace sur le long terme.

          Ces travaux expliquent aussi que les personnes vaccinées peuvent, certes, être infectées et transmettre le virus, mais qu’elles ont la capacité de fabriquer en quelques jours des anticorps efficaces. De ce fait, elles ne font pas de forme grave de Covid.

          Et, cerise sur le gâteau, l’équipe a montré que les cellules immunitaires mémoire qui restent en veille sont capables de reconnaître tous les variants connus à ce jour et donc de produire rapidement des anticorps efficaces.

          Moralité : la vaccination est notre meilleur espoir d’en finir avec ce virus  !

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