Mis à jour le 18 septembre 2023

Maladie d'Alzheimer : l'arrivée de traitements fait naître l'espoir pour les patients

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas en laboratoire mais dans les bureaux de la FRM que Thierry Lhermitte s’est immergé pour écrire sa chronique de septembre. C’est en effet à l’occasion d’une rencontre avec Luc Buée (à gauche), directeur de recherche CNRS et directeur du Centre Inserm Lille Neuroscience et Cognition au CHU de Lille, que notre parrain a pu échanger sur les récentes avancées de la recherche sur la maladie d’Alzheimer. 

Thibaud (au centre), jeune patient atteint de la maladie d’Alzheimer diagnostiqué à 52 ans, s'était joint à leurs échanges pour témoigner du quotidien de la maladie.

Luc Buée se consacre depuis plus de 30 ans à l’étude des mécanismes conduisant à cette maladie neurodégénérative. Sa conviction : la nécessité de travailler sur des traitements complémentaires.

Pour tout savoir de cette rencontre (ré)écoutez la chronique de Thierry Lhermitte diffusée en septembre dernier dans « Grand Bien Vous Fasse » sur France Inter :

Brièvement, que sait-on aujourd'hui de la maladie d’Alzheimer ?

C’est une maladie du cerveau, que l’on dit neurodégénérative car les neurones (les cellules nerveuses) disparaissent progressivement. Un cerveau sain pèse 1,5 kg environ, en fin d’évolution celui d’un patient ne fait plus que 1 kg, ça illustre cette perte de matière grise. La maladie débute silencieusement vers 40 à 50 ans. Mais pendant des années les dégâts sont invisibles car le cerveau compense grâce à sa plasticité. Les symptômes apparaissent au bout de 10, voire 15 ans d’évolution, à partir de 65 ans dans la grande majorité des cas. Dans 1 % des cas il s’agit de formes familiales, qui surviennent plus tôt. Je vais y revenir. Le premier signe est souvent l’apparition de troubles de la mémoire à court terme : on ne se souvient plus d’une phrase dite juste avant, de ce que l’on a mangé à midi, etc., alors que les souvenirs anciens restent longtemps préservés. Avec le temps, les troubles cognitifs se multiplient et entraînent la perte d’autonomie, même si chaque patient suit une trajectoire qui lui est propre. En plus de l’amnésie, apparaissent progressivement des troubles du comportement, des difficultés dans l’orientation spatiale, dans la reconnaissance des objets et des personnes, etc.

Quelle est la fréquence de la maladie d’Alzheimer ?

Comme elle est associée au vieillissement (même si c’est bien une maladie et non un vieillissement normal) et que la population vieillit, elle est de plus en plus fréquente.  Elle concerne 1 % des plus de 65 ans et environ 7 % des gens après 85 ans. En France elle touche presque 1 million de personnes !

Sait-on à quoi est due cette maladie ?

Dans 99 % des cas il y a une composante génétique, on peut dire le terrain génétique, qui intervient à 70 % dans la survenue de la maladie, et une part de facteurs de l’environnement, pour 30 %. Le terrain génétique, c’est la combinaison de tous nos gènes. Ces gènes portent des petites variations qui font que nous sommes tous uniques. Certaines variations sont protectrices par rapport à la maladie d’Alzheimer, d’autres au contraire prédisposent. Dans les formes familiales, qui ne constituent que 1 % des cas, une mutation dans un seul gène entraîne l’apparition de la maladie, généralement avant 65 ans. Ces mutations sont plus fortes, entre guillemets, elles peuvent alors être transmises aux descendants, selon les lois de la génétique.

Quant aux facteurs de l’environnement, de quoi s’agit-il ?

C’est tout ce qui constitue notre mode de vie. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il s’agit de facteurs modifiables, sur lesquels on peut agir pour diminuer le risque de développer la maladie. Ces facteurs protecteurs sont : l’activité physique régulière, une alimentation équilibrée, un niveau d’études élevé, la richesse des relations sociales, la stimulation intellectuelle, et boire du café aussi ! À côté de cela, il y a des facteurs de risque. Par exemple on pense qu’une infection, des chocs sur la tête à répétition (comme dans la boxe), ou encore des toxines, la pollution de l’air, pourraient favoriser l’apparition de la maladie.

Et que sait-on des mécanismes en jeu ?

Dans la maladie d’Alzheimer il y a deux types de lésions dans le cerveau :

  • les plaques amyloïdes, à l’extérieur des cellules. Ces plaques sont des amas d’une petite protéine anormale, appelée peptide amyloïde ;
  • les deuxièmes types de lésions sont des agrégats d’une autre protéine, appelée Tau. Ces agrégats forment des enchevêtrements de fibres à l’intérieur des neurones. On les appelle les dégénérescences neurofibrillaires. La production anormale du peptide amyloïde serait le déclencheur de la maladie. Par un mécanisme encore inconnu, et que Luc Buée cherche justement à comprendre, l’accumulation de ce peptide entraînerait à son tour la production d’une forme anormale de la protéine Tau. C’est l’agrégation de cette protéine Tau anormale dans les neurones et sa propagation de neurone en neurone dans le cerveau qui entraînerait la mort de ces cellules, la progression de la maladie et les déficits cognitifs associés. Cette propagation de la protéine Tau anormale est un processus qui s’autoalimente. En effet, si on enlève le peptide amyloïde, la mort des neurones se poursuit plus lentement, mais se poursuit quand même. C’est ce que nous on appris tous les essais cliniques menés depuis l’année 2000.


Oui, depuis une vingtaine d’années, il y a eu de nombreux essais pour essayer de contrer cette maladie !  

Absolument, grâce à la compréhension des mécanismes, les scientifiques ont mis au point des stratégies thérapeutiques. L’idée était de supprimer le peptide amyloïde en administrant un anticorps pour le piéger et l’éliminer. Les essais ont longtemps été en échec et aujourd’hui on sait pourquoi : on ne savait pas faire de diagnostic précoce, et les patients qui entraient dans ces essais avaient déjà une maladie évoluée, avec donc une propagation « autonome » de la protéine Tau anormale dans le cerveau. On parvenait effectivement à éliminer les plaques amyloïdes, mais comme ce n’est que l’élément déclencheur, il était trop tard pour stopper la progression. La maladie était en quelque sorte déjà emballée dans le cerveau.

La grande nouvelle c’est qu’aujourd’hui des médicaments ont été approuvés aux États-Unis. Qu’est-ce qui a changé ?

Oui ! C’est parce qu’on arrive à faire un diagnostic beaucoup plus précoce :

  • à la fois par l’examen clinique, les tests neuropsychologiques, etc. ;
  • par la détection de marqueurs biologiques : pour cela on fait une ponction lombaire (bientôt ce sera une simple prise de sang) pour doser le peptide amyloïde et la protéine Tau ; o et enfin par l’imagerie du cerveau en IRM. Pour la recherche on utilise aussi le PET-scan, encore plus précis. C’est en sélectionnant les patients plus tôt dans la maladie qu’on a enfin commencé à voir des effets bénéfiques de ces traitements pour neutraliser le peptide amyloïde. C’était en 2016. Et aujourd’hui il y a deux molécules autorisées aux États-Unis et une troisième en cours d’autorisation. Il faut néanmoins être prudent car ces molécules peuvent aussi conduire à des effets secondaires sévères chez certains patients. Une demande de mise sur le marché en Europe a été refusée et une autre est en cours. Un traitement pourrait donc arriver ici d’ici quelques mois.


C’est une très bonne nouvelle !

Oui, c’est enfin un tournant dans le combat contre la maladie d’Alzheimer. Mais même s’ils sont très prometteurs, ces traitements ne font pour l’instant que ralentir l’évolution de la maladie. · Il reste toujours le problème de la protéine Tau anormale qui, en s’accumulant, est responsable de l’évolution de la maladie.

D’où le projet de Luc Buée ?

Exactement. Avec son équipe et celle de Franck Martin, à Strasbourg, il a identifié des formes encore inconnues de la protéine Tau, des formes plus courtes qui sont présentes au tout début de la maladie. Il cherche à comprendre quel est le rôle de ces formes dans la maladie, et comment le peptide amyloïde intervient dans leur production. L’objectif est de mettre au point des stratégies qui ciblent la protéine Tau anormale grâce à des petits anticorps.
Un essai est aujourd’hui en cours, donc les choses avancent ! Ces anticorps pourraient servir à la fois pour aider au diagnostic de la maladie, et bien sûr l’espoir c’est qu’ils puissent ralentir ou arrêter son évolution. À suivre donc !

(Ré)écouter d'autres chroniques santé de Thierry Lhermitte

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