Mis à jour le 14 mai 2020

Une rétine artificielle haute résolution

Des personnes atteintes d’une maladie dégénérative de la rétine peuvent espérer retrouver en partie la vue grâce à l’implant rétinien Prima, développé par la société Pixium Vision et testé par des chercheurs français.

À qui s’adresse cette rétine artificielle ?

L’objectif de cet implant est de restaurer en partie la vision des personnes devenues aveugles suite à une maladie dégénérative de la rétine. Il s’agit principalement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), qui concerne environ 1,5 million de personnes en France. Il n’existe actuellement aucun traitement pour enrayer sa forme « sèche » dont souffrent 85 % des malades. L’implant concerne aussi les quelque 30 000 personnes atteintes de rétinopathie pigmentaire, une autre maladie dégénérative contre laquelle il n’existe pas non plus de thérapie.

Dans ces maladies, les photorécepteurs qui tapissent la rétine disparaissent peu à peu. Ces cellules transforment les signaux lumineux en signaux électriques qui sont ensuite transmis au cerveau via le nerf optique. Le rôle de l’implant est donc de remplacer une partie de ces photorécepteurs et de stimuler les cellules formant le nerf optique pour qu’elles transmettent un signal électrique au cerveau.

Concrètement, comment fonctionne cet implant ?

C’est un carré de 2 mm de côté pour 30 microns d’épaisseur, placé sous la rétine du patient lors d’une opération chirurgicale relativement simple. Cet implant est constitué de 378 éléments qui sont comme autant de pixels remplaçant chacun un photorécepteur. Il s’agit de photodiodes sensibles à la lumière, capables de transformer les signaux lumineux en signaux électriques et de les transmettre aux cellules rétiniennes résiduelles.

Ces photodiodes sont sensibles à la lumière infrarouge. Pour que l’implant fonctionne, le patient doit donc porter une paire de lunettes un peu particulière équipée d’une caméra qui transforme la lumière visible en lumière infrarouge projetée directement sur la rétine, donc sur l’implant. Ce dispositif est complété par un petit boîtier de poche relié aux lunettes par un câble. Il renferme notamment une batterie et un microprocesseur.

Quels sont les prochains défis ? À quel stade en est aujourd’hui son développement ?

Dans une étude publiée en décembre 2019 dans Nature Biomedical Engineering, Serge Picaud, à l’Institut de la Vision (Paris), et ses collègues ont montré que cet implant permet de restaurer une acuité visuelle significative chez des primates non humains. Dans le cadre d’un essai clinique, cinq patients aveugles ont d’ores et déjà été implantés dans le service de José-Alain Sahel à la Fondation ophtalmologique Rothschild, à Paris. Trois d’entre eux ont pu récupérer une certaine acuité visuelle : ils sont en mesure de percevoir des signaux lumineux, d’identifier des formes et même des séquences de lettres de la taille d’un titre de journal. Mais pour cela, il faut en quelque sorte qu’ils réapprennent à voir, c’est-à- dire qu’ils habituent leur cerveau à ce nouveau type de signaux que sont ceux créés par l’implant. Une rééducation qui peut prendre quelques mois.

La sécurité de l’implant ayant été validée, il s’agit désormais d’en évaluer l’efficacité à travers des essais cliniques de plus grande ampleur chez des patients atteints de DMLA. Ils devraient avoir lieu aux États-Unis et dans plusieurs centres en Europe. « Nous espérons aussi développer des pixels de plus petite taille afin d’en augmenter le nombre dans l’implant et que celui-ci ait encore une meilleure résolution, explique Serge Picaud. Cette évolution devrait permettre aux patients implantés de récupérer encore plus d’acuité visuelle. » Il s’agira aussi de conduire des essais cliniques chez des personnes atteintes de rétinite pigmentaire. Il faudra cependant encore attendre quelques années avant que ce dispositif ne soit disponible commercialement pour les malades.
 
AVEC SERGE PICAUD,  directeur de recherche Inserm à l’Institut de la Vision (hôpital des Quinze-Vingts, Paris). 

Un dispositif plus performant que ses prédecesseurs

Au tournant des années 2000, plusieurs équipes dans le monde travaillaient à la mise au point de rétines artificielles. Le dispositif le plus répandu est l’implant épirétinien Argus II de l’entreprise Second Sight, disposé au-dessus de la rétine.

Concrètement, il s’agit d’une caméra intégrée à une paire de lunettes, qui capte des images et les envoie à un petit ordinateur porté à la ceinture. Celui-ci traite les données visuelles, les transforme en informations électriques et les envoie à une antenne extérieure située sur la branche des lunettes. Cette antenne extérieure transmet ces informations à l’implant épirétinien via des ondes.

Dans l’implant, des électrodes délivrent des stimulations électriques directement aux cellules résiduelles de la rétine, qui sont ensuite transmises jusqu’au cerveau par le nerf optique. Un autre dispositif sous-rétinien de l’entreprise Allemande Retina Implant AG a aussi été très largement implanté chez des patients. Mais les performances de ces dispositifs ne permettent pas aux patients aveugles de récupérer suffisamment d’acuité visuelle. Leur production a donc été stoppée.

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