Le Grand Prix 2017 de la Fondation pour la Recherche Médiale a été décerné à Pierre Léopold, directeur de recherche de classe exceptionnelle à l’Inserm. Sa contribution majeure à la compréhension des mécanismes du contrôle de la croissance des organismes est ainsi récompensée. Retour sur son parcours et de ses travaux.
Pour cet ancien élève de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud,
titulaire d’un doctorat de l’Université de Nice, l’histoire s’écrit lors
de son postdoctorat à l’Université de Californie à San Francisco. Il y
étudie le contrôle de la prolifération des cellules au cours du
développement embryonnaire. Il utilise pour cela un animal modèle
reconnu pour sa capacité à révéler les mécanismes fondamentaux de la
formation des organismes : la drosophile, encore appelée mouche du
vinaigre, un modèle biologique qui reste son objet d’étude.
À son
retour en France, un pôle de « drosophilistes » se constitue autour de
lui à Nice. Cette émulation issue d’une collaboration étroite avec ses
nouveaux collègues inspire ses travaux : il modifie progressivement ses
directions de recherches et s’intéresse alors avec succès aux mécanismes
de croissance de l’organisme. Il est aujourd’hui à la tête de l’équipe «
Génétique et physiologie de la croissance » à l’Institut de Biologie
Valrose, à Nice.
Utilisée comme organisme modèle de laboratoire depuis plus de 100 ans, la drosophile a de nombreux atouts : une petite taille, un élevage facile et un cycle de reproduction rapide. La manipulation de ses gènes est aisée et c’est aussi le premier insecte dont le génome a été séquencé. Et comme un grand nombre de ses gènes sont aussi présents dans l’espèce humaine, cela en fait un modèle de choix pour étudier les mécanismes biologiques dans des conditions normales ou pathologiques. La recherche fondamentale menée par Pierre Léopold grâce à ce modèle, a parmi ses objectifs le transfert de ses découvertes à l’Homme.
L’approche pluridisciplinaire choisie par le chercheur, associant génétique et physiologie*, l’a mené à des concepts nouveaux et à des découvertes majeures dans les domaines suivants:
L’équipe a ainsi pointé l’importance d’un tissu appelé le « corps
gras » (l’équivalent fonctionnel du foie et du tissu adipeux dans
l’espèce humaine), qui orchestre la croissance de l’organisme entier.
Pour cela, il capte les variations nutritionnelles de l’environnement
et, en retour, module certaines hormones de la famille de l’insuline.
Les travaux menés par Pierre Léopold l’ont récemment conduit sur la
piste d’une nouvelle hormone, essentielle au cours de la croissance.
Cette cousine de l’insuline veille à ce que les tissus se développent de
manière harmonieuse et atteignent une taille correcte avant la
transition vers l’état adulte.
Les mécanismes découverts depuis plus de 25 ans par le scientifique
n’en finissent pas d’avoir des retombées en biologie humaine.
Les
molécules identifiées dans le contrôle de la prolifération cellulaire
embryonnaire chez la drosophile ont aujourd’hui leur alter ego chez
l’Homme. Et elles ont aussi été mises en cause dans le développement
tumoral.
Les circuits hormonaux impliqués dans la réponse au régime
alimentaire mènent à l’étude des dérèglements métaboliques et aux
pathologies comme le diabète et l’obésité.
Enfin, le volet concernant la taille finale apporte aujourd’hui des perspectives inédites en médecine régénérative.
*Physiologie : étude des fonctions et des propriétés des organes et des tissus des êtres vivants.