Mis à jour le 4 novembre 2020

Regards croisés sur l'expérimentation animale

L’expérimentation animale soulève de vives oppositions. De plus en plus de méthodes permettent aujourd’hui de pratiquer des tests sans avoir recours aux modèles animaux.

Pour autant, la recherche animale « reste un maillon indispensable pour comprendre, soigner, guérir », comme l’ont écrit plus de 400 chercheurs dans une tribune publique publiée en 2018.

Pourquoi reste-t-elle nécessaire ? Comment est-elle encadrée aujourd’hui ?

Points de vue de deux experts du domaine. 

Nathalie Vergnolle

Directrice de l’Institut de santé digestive, à Toulouse,Prix Recherche 2018 de l’Inserm

OUI

Dans le domaine des sciences du vivant, la recherche s’effectue à plusieurs niveaux. À l’échelle moléculaire, cellulaire ou tissulaire, nous disposons de plus en plus de modèles développés en laboratoire, réels ou informatiques, qui nous permettent de nous affranchir de l’animal.

Mais à une échelle macroscopique, c’est encore impossible : un organisme est un assemblage complexe et connecté, avec des organes qui interagissent et sont reliés aux systèmes vasculaire, nerveux, immunitaire, hormonal… Auxquels s’ajoutent toutes les interactions avec l’environnement. Ainsi, ce que l’on peut observer sur une cellule ou même un assemblage de différents types cellulaires peut se révéler complètement différent dans un organisme vivant !

Dans mon laboratoire par exemple, nous développons des organoïdes humains : un mini-organe, constitué de plusieurs types de cellules dérivées de cellules souches1 et cultivées sur un support en trois dimensions, reproduit au moins une fonction de cet organe. C’est très utile pour certaines catégories de travaux et cela évite un recours immédiat aux modèles animaux, mais c’est encore bien trop simpliste pour remplacer un organe entier connecté avec l’ensemble des autres organes comme c’est le cas dans un modèle animal. Pour l’instant, il est donc impossible de se passer de l’expérimentation animale, surtout dans le domaine de la toxicologie et du développement de médicaments, où une molécule donnée peut avoir des effets très différents d’un organe à l’autre, avec en plus des réactions en cascade.

Vouloir passer directement des tests in vitro aux essais cliniques chez l’être humain est inenvisageable aujourd’hui, d’un point de vue scientifique comme éthique.

Hervé Chneiweiss

Président du comité d’éthique de l’Inserm depuis 2013, directeur de l’unité de recherche Neuroscience Paris Seine

OUI, MAIS ...

Il ne faut pas oublier que la recherche animale est très encadrée.

Au niveau national – avec la Charte nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale qui existe depuis 1992 et les comités d’éthique en expérimentation animale créés en 2000 –, et au niveau européen – avec la directive adoptée en 1986 et révisée en 2001. Celle-ci repose sur le principe des 3R : Réduction du nombre d’animaux utilisés ; Raffinement des recherches, qui consiste à n’utiliser que le nombre nécessaire d’animaux et uniquement lorsque c’est indispensable ; et Remplacement, qui signifie que l’on substitue l’animal à un modèle cellulaire ou informatique dès que cela est possible.

Par ailleurs, avant tout projet d’expérimentation impliquant des animaux, les chercheurs doivent soumettre un protocole très détaillé et être spécifiquement formés à cela. Ces dispositions réglementaires sont contrôlées par les services vétérinaires compétents. Et des sanctions sont possibles en cas de non-respect. Cet encadrement est amené à évoluer de façon encore plus contraignante car, à terme, l’objectif de cette directive européenne est très clairement de supprimer l’expérimentation animale.

Mais il va falloir beaucoup de temps et de travail avant que cela ne soit possible. Afin de mettre au point de bons modèles pour remplacer un organisme vivant, il faut en comprendre parfaitement les mécanismes et être capable de les imiter le plus précisément possible.

Et le vivant recèle encore beaucoup de mystères !

#cellules-souches

1 : cellules-souches : cellules indifférenciées capables de s’autorenouveler et de donner naissance à des cellules

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