Il est intéressant de tenter de définir les nouveaux paradigmes de prise en charge et de contrôle qui se sont récemment dégagés à l’occasion d’émergences infectieuses (17). Ils concernent des pathogènes (ré)émergents dangereux (Ebola, Marburg, Nipah, SRAS, MERS, peste pulmonaire). On pourrait les résumer par la nécessité de mécanismes de coordination clairs et cohérents et d’une mobilisation sociale intensive permettant une prise en charge des malades sécurisée et humanisée. Un processus reposant sur un système performant de recherche active des cas et de suivi de leurs contacts pour couper les chaînes de transmission, soutenu par une logistique performante garantissant les conditions nécessaires de bon fonctionnement des opérations. Les mots-clés sont « coordination » et « circulation de l’information », qu’il s’agisse d’équipes, institutions, agences, nationales ou internationales. La remontée de l’ensemble des informations vers un organe coordinateur est essentielle à l’évaluation de la dynamique d’évolution de l’épidémie naissante et si possible à sa modélisation qui va permettre un certain degré d’anticipation.
La mise en place d'un programme de mobilisation sociale et d'éducation sanitaire est une phase essentielle. L’objectif principal est d’informer la population et de promouvoir les pratiques diminuant la transmission communautaire de la maladie. Ceci nécessite l’intervention d'anthropologues médicaux analysant les modèles explicatifs locaux du malheur qui s'abat sur la population, aidant les équipes médicales à adapter leurs actions aux cultures locales (18). C’est essentiel par exemple pour les rites funéraires qui se sont avérés être un moment clé de la transmission du virus Ebola lors de l’épidémie récente d’Afrique de l’ouest (19).
L'objectif principal est la rupture des chaînes de transmission. L'équipe chargée de la surveillance épidémiologique organise la recherche active des cas et évalue chaque nouveau cas détecté qui sera éventuellement isolé s'il répond à la définition adoptée.
Tous les sujets ayant été en contact avec des malades sont suivis pour la durée de la période d'incubation. Si les signes de la maladie apparaissent, ils sont à leur tour isolés.
Des travaux porteront sur l’utilisation éventuelle de médicaments antibactériens (peste pulmonaire) ou antiviraux afin de casser la chaîne de transmission. Chaque fois que le mode de contamination de cas index peut être identifié par enquête épidémiologique, des équipes de spécialistes en écologie sont envoyées afin d'identifier les réservoirs naturels du pathogène (éventuellement animal) et d'éventuels vecteurs (contrôle des flambées futures).
A ce stade, il existe rarement un traitement autre que symptomatique, ou un vaccin. Il s’agit donc d’une approche lourde et exigeante qui a fini par faire ses preuves lors de la récente épidémie d’infection par le virus Ebola, même si elle a ses limites et si son évaluation est difficile. Ces épisodes d’émergences récentes ont aussi été l’occasion de l’évaluation de nouvelles approches ou d’approches revisitées, telles l’utilisation de drogues antivirales, seules ou en combinaison (20).
Ils ont mis en évidence de nombreux sujets éthiques : éthique des études et essais cliniques sur des populations fragilisées en situation d’urgence, équité vis-à-vis des médecins et scientifiques nationaux lors d’interventions internationales.
L’épidémie d’infection par le virus Ebola en Afrique de l’Ouest et la récente épidémie d’infection à virus Zika au Brésil ont reposé de manière aiguë, après le SIDA et d’autres infections émergentes, le problème de la place de la vaccination dans le contrôle global d’une épidémie ou d’une pandémie. Si l’on observe les grandes émergences récentes, aucune n’a été contrôlée par un vaccin. Même dans le cas de la pandémie de grippe H1N1 de 2009, le rôle réel du vaccin - très rapidement développé - dans la régression de la pandémie est difficile à cerner. Peut-on viser à l’élimination d’une maladie transmissible sans un vaccin efficace ? Le paradigme "émergent" pour le contrôle des maladies infectieuses émergentes doit prendre en compte la nécessité de faire l’impasse – au moins au début – sur ce vaccin. Il implique, comme déjà vu, la combinaison d’un diagnostic précoce par des outils adaptés et robustes au chevet du patient (POC), la modélisation des étapes précoces de l’épidémie, la mise en place rapide de mesures de base de santé publique, en particulier un isolement raisonné et efficace et dans certains cas des traitements - même moyennement efficaces pouvant diminuer la charge virale, donc le niveau de transmission et casser ainsi la chaîne épidémique.
La disponibilité rapide d’un vaccin permettrait alors de prendre en compte la prévention de la transition pandémique de l’épidémie ou sa réémergence ultérieure.
La combinaison de l’identification rapide de sujets convalescents voire naturellement résistants combinée à une approche immunologique récente visant à immortaliser les lymphocytes B mémoire de ces patients, les immortaliser et identifier ceux produisant les anticorps les plus puissamment neutralisants ouvre la possibilité de développer en urgence une sérothérapie combinant plusieurs de ces anticorps et parallèlement d’identifier les antigènes/épitopes les plus efficacement protecteurs, accélérant ainsi le développement d’un vaccin (21). Cette approche est très prometteuse dans un nombre croissant de situations incluant la recherche d’un vaccin cross-sérotypique pour le virus de la grippe, les virus Zika, CMV, rabique, Ebola et MERS.