Les objectifs généraux de la recherche chirurgicale sont les mêmes que ceux de la recherche médicale : améliorer l’efficacité des traitements chirurgicaux et aussi, ce que l’on oublie parfois, diminuer les contreparties à efficacité similaire. Le chercheur est parfois pris entre ces deux objectifs contradictoires. Par exemple, dans le traitement des métastases hépatiques diffuses de cancers digestifs, des travaux expérimentaux ont montré que l’administration continue de chimiothérapies directement dans l’artère hépatique, à l’aide d’une pompe implantée sous la peau, était plus efficace que l’administration intermittente dans les veines périphériques. En fait, une étude sur un grand nombre de malades a prouvé que cette plus grande efficacité avait pour contreparties d’entrainer des complications au niveau du foie (hépatites chimio-induites, cholangites sclérosantes) dont la fréquence était rédhibitoire [Rougier].
A côté de ces objectifs altruistes, les chercheurs sont motivés par les bénéfices que peuvent apporter à leur carrière leurs travaux de recherche, promotion universitaire, renommées nationales et internationales. Toutefois, ces dernières favorisent des échanges scientifiques, crééent des liens d’estime et d’amitié entre les chercheurs et leurs élèves, mais aussi des liens interdisciplinaires. Dans ces liens, ceux avec l’industrie sont indispensables. Un exemple en est donné par les recherches sur le cœur artificiel qui demande une collaboration très étroite entre des équipes chirurgicales et celles d’ingénieurs et d’industriels [Carpentier].
Si des objectifs généraux de la recherche chirurgicale sont communs à la recherche médicale, ils ont néanmoins souvent une spécificité en s’intéressant de façon privilégiée, comme nous l’avons indiqué, aux techniques chirurgicales. Ainsi, dans certains cancers de l’estomac les chirurgiens ont pensé, à la suite d’observations japonaises que l’ablation de la totalité de l’estomac permettant une exérèse plus large du cancer et des ganglions était susceptible d’augmenter le taux de guérison de ces malades. Une importante étude française menée par l’association de plusieurs équipes a permis d’infirmer cette hypothèse qui paraissait logique, avec une bonne puissance des tests d’inférence, statistiques [Gouzy].
Une grande différence entre les recherches thérapeutiques médicales et chirurgicales est le caractère opérateur indépendant des premières et opérateur dépendant des secondes : dans toute étude de traitements médicamenteux, il est assez facile de préciser le traitement, médicament, doses, horaires, etc. En revanche, le résultat d’une même intervention chirurgicale dépend, en partie, de sa réalisation concrète par l’opérateur. C’est ce qui limite un peu la portée des études faites par une seule équipe et, a contrario, l’intérêt des études multicentriques. Dans ces cas, l’idéal est de s’assurer par des films et des contrôles par un tiers d’une certaine homogénéité de la réalisation de la technique que l’on cherche à évaluer. C’est, par exemple, ce que les chirurgiens hollandais ont fait, à l’instigation et sous le contrôle d’un chirurgien japonais dans une étude sur les résections ganglionnaires dans les cancers de l’estomac [Bonenkamp]
Mais si la recherche chirurgicale est souvent pragmatique autour de techniques chirurgicales, aujourd’hui elle fait de plus en plus souvent appel à des disciplines biologiques, radiologiques, informatiques, etc.